Les scenarii d’un nouveau partage de la valeur entre artistes et producteurs

monétisation

Les signataires du protocole d’accord de la mission Schwartz doivent s’entendre sur les modalités d’une rémunération minimale des artistes au titre des exploitations en ligne de leurs enregistrements. A défaut de s’attarder sur la fixation d’un taux de royalties minimum pour le streaming et le téléchargement, solution à laquelle s’opposent farouchement les producteurs, ce billet explore les autres scénarii possibles d’une revalorisation des revenus des artistes dans la musique en ligne.

Le protocole d’accord auquel a abouti la mission Schwartz en France, qui a recueilli la signature de la GAM (Guilde des artistes de la musique) mais pas celle de l’Adami et de la Spedidam (sociétés de gestion collective de certains droits des artistes et musiciens), prévoit que « les producteurs de phonogrammes s’engagent, dans les négociations individuelles et collectives portant sur la rémunération des artistes interprètes, à leur apporter une garantie de rémunération minimale en contrepartie de l’exploitation numérique de leurs enregistrements ».

Les modalités et le niveau de cette garantie de rémunération minimale seront fixés par accord collectif. L’objectif est de tenir compte des spécificités des exploitations numériques, qui n’engagent pas la même prise de risque financière de la part du label, puisqu’il n’a plus de coûts de fabrication à amortir. Au cours des négociations qui ont abouti au texte du protocole d’accord, les majors se sont résolument opposées à deux options :

  • celle qui pourrait consister à fixer un taux de royalties minimum pour les exploitations numériques, qui serait revalorisé par rapport à celui en vigueur sur les ventes physiques
  • celle qui, comme le proposent l’Adami et la Spedidam, reviendrait à introduire une part de gestion collective dans la répartition des revenus du numérique, et plus précisément un droit à rémunération équitable des artistes sur Internet, comme dans le cas de la radio,

La signature du protocole d’accord Schwartz a coïncidé avec la publication, au Royaume Uni, de plusieurs rapports sur le partage de la valeur entre artistes et producteurs. Ces rapports sont très critiques à l’égard des pratiques qui se sont installées. En particulier en ce qui concerne le recours, dans les contrats de licence signés avec les plateformes, à la notion de “droit de mise à disposition”. Les revenus que génère ce “droit de mise à disposition”, introduit spécifiquement pour les exploitations en ligne à la demande, est réparti aux artistes selon le taux de royalties fixé par leur contrat. Nous avons retenu un taux de royalties de 10 % pour la simulation suivante, qui illustre le partage de la valeur actuel, en matière de streaming comme de téléchargement.

L’un des reproches fait à l’application d’un “droit de mise à disposition” dans le cadre des exploitations numériques est que ce dernier ne distingue pas les deux types de droit mis en oeuvre dans le numérique : le droit de reproduction mécanique (réparti traditionnellement à l’artiste sur la base du taux de royalties), et le droit de communication au public (traditionnellement assimilé à un droit de performance, qui est en général réparti selon une clé de partage de 50/50 entre artistes et producteurs).

Cette distinction entre droit de reproduction (DRM) et droit de performance (DP) a pourtant cours dans la répartition des revenus du numérique aux auteurs-compositeurs et éditeurs par la Sacem. Dans le cas du téléchargement, la part de DRM est de 75 %, et celle de DP est de 25 %. Dans le cas du streaming, les proportions sont inverses : 25 % pour les DRM, et 75 % pour les DP. Si cette distinction était faite dans le partage de la valeur entre artistes et producteurs (avec des modalités de répartition des revenus qui diffèrent pour ces deux types de droits), la part qui revient aux artistes serait nettement revue à la hausse au détriment de celle des producteurs, sans aucun impact pour les auteurs ni pour les plateformes.

A noter que cette distinction n’aboutit pas à une partage des  revenus du streaming à 50/50 entre artistes et producteurs. La clé de partage des revenus du streaming serait de 40/60 (contre 10/90 actuellement). Celle des revenus du téléchargement serait de 20/80.

Une autre alternative est celle proposée par l’Adami et la Spedidam. Elle prévoit, en sus des royalties perçus par les artistes sur les revenus du droit de mise à disposition, d’instaurer une rémunération équitable des artistes par les plateformes, indépendante de leur relation contractuelle avec les producteurs. A des fins de simulation, le taux de rémunération équitable (RE) a été fixé dans l’évaluation ci-dessous à 5 % du CA brut HT des plateformes (il se situe entre 4 % et 7 % du CA publicitaire pour les radios musicales).

La revalorisation de la part qui revient aux artistes serait moindre que dans le cas de figure d’une distinction entre DRM et DP. La clé de partage entre artistes et producteurs serait alors de 17,5/82,5 pour l’ensemble des exploitations numériques à la demande, et non plus de 10/90. Mais sur une assiette plus large, englobant 5 % de rémunération équitable des artistes par les plateformes. Cette modalité de revalorisation de la part de revenus des artistes ne coûterait rien aux producteurs. Seules les plateformes y perdraient quelques points de marge brute.

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About Philippe Astor

Journaliste, blogueur, franc tireur, libertaire, philosophe, hermétiste, guitariste, activiste, dillettante, libre penseur. @makno et http://rockthemusicbiz.blogspot.fr/