(Partie 2/5) L’avenir économique du streaming musical? Les fonctionnalités

freemium et streaming musique

Retrouvez la 1ère partie sur l’expérimentation des labels. 

La question essentielle ici est la suivante : comment les services numériques, et en particulier les services de streaming, peuvent-ils distinguer différents ‘niveaux’ ou ‘produits’ afin de constituer une gamme de niveaux de prix ?

 Fonctionnalités : Écoute vs Accès

 La distinction la plus évidente à établir est celle entre les services ‘écoute’ façon Pandora et les plateformes tout à la demande façon Spotify que nous avons mentionnés précédemment. Une différenciation de prix existe déjà ici en ce que Pandora premium coûte 5 dollars par mois alors que Spotify aux USA est à 10 dollars. Rdio propose actuellement une écoute avec publicité en freemium et tout à la demande en premium.

Cette distinction de prix est respectivement appliquée aux droits d’auteur payés aux ayant-droits. Il a été communément admis pendant un certain temps qu’il était moins cher de licencier un service d’écoute qu’un service d’accès tout à la demande. (Comme indiqué plus haut, aux USA un service d’écoute peut être licencié via la licence obligatoire administrée par SoundExchange et dont les taux sont effectivement fixés par les tribunaux compétents en droit d’auteur).

Au niveau de l’écoute, il semble qu’il y ait d’autres distinctions fonctionnelles à établir entre freemium et premium, de même que différents niveaux de prix. Pour l’écoute, le principe de base est que l’utilisateur ne peut pas choisir de titres à la demande ni écouter d’albums en entier. Toutefois l’utilisateur peut passer les titres qu’il n’aime pas, empêcher certains titres ou artistes de lui être diffusés ou effectuer d’autres actions sur la musique qu’il choisit d’écouter.

La licence d’un service par des titulaires de droits limitera généralement l’offre des niveaux de fonctionnalités (aux Etats-Unis, trop de fonctionnalités rendront le service inéligible à la licence SoundExchange) mais lorsque plus de flexibilité est possible les fournisseurs de services utiliseront ces fonctions additionnelles pour vendre du premium ou faire passer le client d’un niveau de prix au suivant.

 

ecoute streaming musique

 

Fonctionnalités : Les Appareils

Comme indiqué précédemment, Spotify a parfois proposé un abonnement à moitié prix où l’écoute est limitée à l’ordinateur de bureau, excluant entièrement du service les appareils mobiles. Plus récemment, Spotify a offert aux utilisateurs freemium un service d’écoute sur mobile uniquement dans le but d’inciter les gens à payer pour obtenir l’offre complète sur leur smartphone. Et le nouveau service d’abonnement payant à YouTube, encore en version beta, sera également mieux adapté aux mobiles que le précédent dispositif freemium de la plateforme.

 Cela dit, si de nombreuses études montrent que l’écoute sur mobile est dominante pour la plupart des services de streaming (d’autant plus si l’écoute en voiture est incluse dans ces données), un autre argument voudrait que même si toutes les fonctionnalités mobiles peuvent toujours être déclinées aux utilisateurs freemium (et ainsi utilisées pour inciter les utilisateurs gratuits à payer, comme pour Spotify en ce moment), toutes les offres payantes se doivent d’être adaptées aux mobiles ; en effet, les utilisateurs rechigneront à payer même quelques dollars par mois si leur service n’est pas utilisable sur leur appareil mobile.

Outils de Navigation

Chacun sait que, même pour les grands afficionados de musique, naviguer dans un choix de plus de 20 millions de titres est plutôt chose ardue. En effet, la masse moyenne des catalogues à la demande des services de streaming est sans doute plus que rebutante pour le consommateur lambda pour qui l’accès à quelques milliers de chansons suffirait amplement.

Et c’est la raison pour laquelle les services de streaming ont concentré tant d’efforts dans ce qu’on appelle des ‘outils de découverte’ afin d’aider les utilisateurs à naviguer dans les offres proposées ; un procédé qui, ironiquement, implique que les utilisateurs s’inscrivent à un service d’accès tout à la demande mais qui l’utilisent comme une plateforme d’écoute meilleur marché.

À ce jour, les outils de découverte ont été généralement utilisés par les services de streaming pour se distinguer de leurs concurrents, plutôt que pour fixer un niveau de prix qui soit différent des autres.

Avec la plupart des Fournisseurs de Services Numériques (FSN) offrant le même catalogue et les mêmes fonctionnalités pour un même prix, l’élément différentiateur clé dans ce marché naissant de la musique en streaming est “nos outils de découverte sont meilleurs que leurs outils de découverte” (si tant est que quelqu’un ait vraiment trouvé ce qu’est censé représenter cette fameuse ‘découverte’).

Mais les plateformes de streaming ne sont pas prêtes non plus à dire “admirez nos incroyables outils de découverte, ils vous suffit de payer un peu plus pour y accéder”. Peut-être parce que le type de consommateurs grand public que les FSN essayent aujourd’hui de séduire via le freemium sont exactement ceux qui auraient besoin d’aide pour pouvoir naviguer et si l’aide à la découverte n’est pas présente dès le départ au niveau gratuit, il est sans doute difficile de les fidéliser assez pour pouvoir ensuite leur vendre du premium.

 

consommation musique numérique

 

Limitations des Contenus

 

Pendant une courte période, à l’émergence des services tout à la demande, la taille des catalogues était un critère utilisé pour se mettre en avant face aux concurrents — “nous avons 3 millions de titres de plus qu’eux” — mais les services ont maintenant tous des quantités tellement vastes de musique que ces chiffres n’ont plus vraiment d’intérêt.

Certains services se vantent encore d’être les plus performants pour fournir du contenu localisé dans chaque pays où ils opèrent et il peut donc y avoir de la place sur le marché pour des accroches du type “nous avons la meilleure Dance Electro, c’est nous qui avons toute la pop des années 80 ou toute la musique indé des années 90”. Et encore une fois, ici l’attrait serait probablement causé par le fait d’avoir un point de vente unique plutôt que d’avoir différents niveaux de prix.

Pourtant, certains croient qu’une différentiation pourrait s’opérer entre les niveaux de prix en ce qui concerne le contenu nouveau ; peut-être alors que seuls les utilisateurs payant le plus auraient accès au contenu le plus récent. On a beaucoup parlé du windowing récemment dans l’espace musical numérique, selon lequel des artistes de renom évitent de proposer aux services de streaming du contenu nouveau pour ne le rendre disponible que sur CD ou en téléchargement et ce pour une durée donnée (parfois des semaines, plus rarement des mois).

Alors que le streaming est en train de devenir aussi important que le CD et le téléchargement en termes d’utilisateurs et de revenus, cette stratégie — qui pour être honnête, n’est actuellement appliquée que par une petite minorité de grands noms — pourrait se révéler problématique (certains disent d’ailleurs que c’est déjà le cas). Après tout, les abonnés déboursant 10 dollars par mois font partie des meilleurs clients de l’industrie du disque et ils sont malgré tout pénalisés lorsqu’il s’agit de nouveau contenu.

Toutefois, si le nouveau contenu de grands artistes n’était pas destiné au freemium mais réservé au premium, ça pourrait fonctionner. D’ailleurs, il est des pop stars adeptes du windowing qui pourraient bien être d’accord avec ça si Spotify le proposait (le label de Taylor Swift a retiré sa musique des services de streaming seulement dans les cas où l’option ‘premium uniquement’ n’est pas possible pour les artistes).

musique streaming liam gallagher

Spotify pourrait probablement arguer que pour que cela fonctionne — c’est-à-dire que les grosses nouvelles sorties soient exclues du freemium — les détenteurs de droits devraient assurer que leur nouveau contenu n’est pas disponible sur les plateformes où les utilisateurs peuvent uploader du contenu, particulièrement celles qui se revendiquent en tant qu’authentiques services de musique comme YouTube, Soundcloud et même Grooveshark. Ce qui est un bon point et un défi, nous y reviendrons dans notre projet article.

Retrouvez la suite du dossier: 

 

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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