Pourquoi votre startup music-tech se plante?

pourquoi votre startup music-tech va se planter?

Il y a quelques semainesDigital Music News a publié un article sur les raisons qui expliquent l’échec d’une startup music-tech. Bien sûr, ça défonce un peu des portes ouvertes et ça peut sembler un peu simpliste. Mais au final, pas tant que ça.

Et c’est aussi pas mal de remettre des choses dans le contexte (oui, tout le monde a un avis sur la musique, mais au final, tout le monde se fiche de comment ça marche vraiment la musique, quant à payer..). Le blog de Don’t believe the Hype, ce n’est pas qu’un blog, c’est surtout une agence derrière qui travaille avec un grand nombre de startups. 60% de nos clients sont des technos. Nous travaillons en effet avec l’écosysteme technologique et musical sur la stratégie, le business management international….donc à nous aussi, pitchs, jury de concours et coaching. Et on retrouve malheureusement beaucoup des raisons ci-dessous dans les startups que l’on voit au quotidien…

Et puis en ce moment, on est un peu dans la mode “si à 30 ans t’es pas startupeur t’as raté ta vie”. Trop de startups tuent la startup. On lance des incubateurs de 500 ou 1000 startups? Mais pour quel marché? Quels clients?

A l’article de DMN, on a complété avec d’autres raisons. Ce qu’on attend c’est de l’innovation, pas de la créativité. L’innovation? En quoi, votre modèle est vraiment différent du modèle à côté? En quoi votre modèle ne reproduit pas ce qui existe et existait déjà sous couvert de “2.0” et autres? Comment va t’il toucher plus de gens que les quelques % qui se disent fans hardcore de musique? Et c’est quoi le problème que vous réglez? Pour qui? A partir de là, on pourra avancer.

1. Vous pensez que les gens “vivent” la musique.
Certains mangent musique, dorment musique, respirent musiques… certains seulement ! Non, les gens ne passent pas leur temps à refaire leur playlist, ni à chercher la dernière perle musicale…Beaucoup écoutent simplement Katy Perry. Et ça leur suffit.

2. Vous pensez que les auditeurs vont encore payer pour écouter de la musique.
Certains le font, mais pas la plupart. Et puisqu’on peut (presque) tout trouver gratuitement…

3. Vous pensez que les majors vont être sympas avec vous.
Non, les majors ne seront pas sympas avec vous. Non, elles ne vous aideront pas. Non, elles ne seront pas raisonnables, contrairement à ce que vous pensez. Elles rendront votre entreprise difficile si elles choisissent de collaborer avec vous. Une major est une entreprise commerciale. Et donc elle gère son business. Elle n’est pas là pour vous tendre des perches. Et vous voulez qu’on compte le nombre de gens qui voulaient révolutionner la musique qui sont venus les voir tout sourire?

les startups musictech qui se sont plantées

 

4. Vous pensez que l’auditoire n’est pas content de ce qu’ils entendent
Les gens pestaient sur les CD trop chers et la radio qui ressassait les mêmes chansons. De quoi se plaignent-t-ils maintenant, exactement ? Allez, on vous écoute?

5. Vous pensez que les gens se soucient des artistes.
Les gens s’occupent d’écouter de la musique d’artistes qu’ils aiment. Pas de savoir si ces artistes peuvent payer leur loyer. Aimer écouter un artiste ne veut pas dire que comment il vit intéresse.

6. Vous pensez que le cas “Amanda Palmer” est une généralité.
C’est bien Warner Music Group qui a lancé Amanda Palmer il y a quelques années. Et oui, il y a de célèbres artistes qui évoluent sans label ou soutiens importants, oui cela arrive de plus en plus mais c’est une minorité qui se bouge les fesses. Tous ne se bougent pas les fasses!

7. Vous pensez que votre entreprise va vraiment aider les artistes.
You’re welcome. Vous ne pouvez pas aider d’artistes si votre start-up est au point mort. Et si vous voulez, on peut compter ensemble le nombre de startups qui “veulent aider” les artistes.

8. Vous essayez d’en faire trop et de résoudre trop de problèmes.
Playlists.net s’occupe des playlists sur Spotify. Beatport s’occupe des téléchargements sur EDM. BigChampagne s’occupe de MusicAnalytics. Beats s’est occupé des casques, et maintenant du téléchargement. Tous ont gagné beaucoup d’argent. Vous devez vous concentrer sur une verticale. Le reste on verra au fur et à mesure.

9. Vous pensez que les gens font plus attention à la qualité de la musique qu’ils ne le font vraiment. 
La plupart des gens n’en ont rien à faire de la qualité de la musique. Ils n’ont jamais su que la qualité se dégradait. Ils écoutent la musique sur des casques apple, écoutaient avant des CD ou des K7.

10. Vous écoutez tout ce que peuvent raconter les autres.  
On m’a dit que le streaming sauverait l’industrie musicale et aiderait les artistes. On m’a dit que Spotify allait sauver le monde. On m’a dit que ce serait bientôt la fin des majors. On m’a dit que Facebook serait le nouveau Myspace. On m’a dit que…

11. Vous surestimez l’argent disponible dans l’industrie musicale. 
Spotify a perdu beaucoup d’argent. Souncloud a perdu beaucoup d’argent et en perd encore. Pandora a perdu beaucoup d’argent et en perd encore. Ils doivent encore trouver un modèle. Youtube ne serait pas la plus grande source de musique dans le monde s’il n’avait pas perdu beaucoup d’argent pendant des années.

12. Vous êtes trop sûr de vous quand il faut traiter des problèmes complexes.
Décider que vous allez trouver la solution sur la curation, la vente de musique ou le developpement d’artistes, c’est notre but à tous. Mais on tatônne, on teste. C’est sûr, s’occuper des problèmes complexes et gagner de l’argent est excitant pour un entrepreneur. Mais décider de résoudre un problème avec la même approche utilisée des tas de fois auparavant, c’est moins bien.

l'évolution des startups musictech

13. Vous passez trop de temps dans les conférences.
Les conférences musicales sont utiles à petite dose. Mais la plupart sont redondantes et le temps perdu aurait pu servir à travailler pour de vrai, faire des réunions pour de vrai, évoluer pour de vrai.

14. Vous dépensez des sommes astronomiques dans de ridicules bureaux au sein de villes très chères.
Voici le bureau de Soundcloud. Voici le bureau de Spotify. Voici le bureau de Pandora. Des questions ?

Et en voici 8 autres raisons:

15. Les entrepreneurs pensent que les gens vont payer pour quelque chose qu’ils peuvent obtenir gratuitement
Les gens paient en fonction de ce avec quoi ils écoutent la musique. Le vinyle fut préféré au gramophone parce qu’il ne se cassait pas aussi facilement. Les cassettes furent préférées aux vinyles pour leur caractère nomade. Les CD furent préférés aux cassettes pour leur côté tout terrain. Les MP3 furent préférés aux CD parce qu’ils étaient encore plus tout terrain et que vous n’aviez pas à payer des musiques que vous ne vouliez pas. Le streaming est préféré aux MP3 parce que vous n’avez pas à mettre des fichiers partout et n’avez pas à payer pour les utiliser. Autrement dit, il est très facile maintenant d’écouter les musiques que vous souhaitez, gratuitement. Pourquoi devriez-vous payer s’il n’y a pas de raison valable ? Partant de là, le fameux « un artiste doit être payé pour son travail » tombe dans l’oreille d’un sourd.

16. Vous surestimez l’intérêt que porte le public aux artistes
Les personnes qui aiment un morceau n’aiment pas forcément l’artiste qui l’a créé, sauf si on parle d’ado en furie. La plupart des gens s’en fichent de savoir si les artistes peuvent payer leurs loyers. Sérieux. ça n’interesse personne. 

17. Vous utilisez l’experience à toutes les sauces
Je crois que ce mot là fait partie des mots les plus utilisés alors que cela ne veut rien dire. En ce moment, c’est la pleine mode des concerts live en crowdfunding (que même Songkick a dû mettre en suspens). Je ne compte plus le nombre de pitchs que je vois où l’on me parle d’expérience. Parce que mettre de l’argent c’est une expérience? Parce que parler avec un artiste en direct, c’est une expérience? Un concert privé, c’est une expérience? Non, c’est ce qu’il se passe tous les jours partout sur internet. J’aimerais bien qu’on m’explique une bonne fois ce qu’on entend par “experience”.

18. Vous sous-estimez les droits
Oui, pour travailler avec l’industrie musicale, il fait être en béton armé sur les droits. Parce tout est droit.

pourquoi votre startup music-tech va se planter?

19. Vous pensez que le piratage est un problème.
C’était quand, la dernière fois que vous avez lu un article sur le piratage ?

20. Vous sous-estimez l’importance des contrats de licence  
Obtenir une licence pour sa musique est un procédé difficile et coûteux. Et ce n’est pas moins difficile depuis que les labels sont devenus férus de digital.

21. Vous pensez que les musiciens, artistes, ou consommateurs de musique en ont quelque chose à faire de quelque chose dont ils se fichent.
La dernière mode concerne les répétitions en ligne. Demandez à n’importe quel musicien ce qu’il préfère : jouer dans la même pièce avec de vrais musiciens, ou jouer avec eux via internet. L’une des deux solutions est beaucoup plus amusante que l’autre.

22. Vous pensez que les plateformes types réseaux sociaux vont révolutionner la musique
Les réseaux sociaux sont importants pour les artistes d’aujourd’hui. Facebook et Twitter deviennent de plus en plus difficiles à utiliser en tant qu’outils de promotion, mais une nouvelle startup avec peu de moyens et peu d’utilisateurs n’apporte pas grand-chose lorsqu’il s’agit de mettre les artistes en contact avec un public ou d’en trouver un nouveau. Il y a beaucoup d’autres choses dont les artistes ont besoin pour gagner en visibilité : partenariat avec les marques, notions basiques à savoir pour le site ou encore une inscription à la newsletter. Fournir juste quelques outils n’est pas très utile.

A chaque startup musictech qui a marché (et qui a arrêté ou qui marche encore), il y a eu une vraie évolution de marché. De MySpace en 2003 qui a révolutionné la manière dont on pouvait faire la promo de sa musique à Songkick, Bandzoogle, Kickstarter, Wearehunted ou Mixgenius, chacune à sa manière, a totalement révolutionné la manière de consommer et diffuser la musique. Et beaucoup ont pris leur temps et n’ont pas eu besoin de levée de fond! Bandzoogle existe depuis 10 ans, fait tranquillou son million de $, n’a jamais levé et fournit un service précis et attendu aux artistes. Bandcamp a démarré avec le fondateur qui s’occupait du site le soir et le we, à côté de son boulot. Il s’est presque excusé en 2011, plus de 2 ans après le lancement, quand il a pris un % sur les ventes pour l’aider à payer l’hebergement et le SAV. Lui aussi fournit vraiment un outil dédié. C’est la clé…

 

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

2 comments

19. Vous pensez que le piratage est un problème.
C’était quand, la dernière fois que vous avez lu un article sur le piratage

=> ça tombe mal, on est pile dans l’affaire TPB / SCPP… 😀

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