Le musicien est une startup comme les autres

Le musicien est une startup comme les autres

La semaine dernière, j’ai eu la grande joie d’être invitée sur Rethink Music à Berlin, l’un des événements mondiaux les plus pointus sur les music/tech. Il est organisé par le Midem, Berklee Music School et l’IE Business School, et se tenait à la Factory à Berlin. J’ai pu faire partie du Jury sur le concours de startups (une startup française, Meludia, a d’ailleurs terminé 2e youpi), mais j’étais surtout intervenante sur le panel artiste entrepreneur. Et au final, un artiste, ça ne serait pas une startup?

Cela est aussi très bien défendu par l’auteur de cet article traduit ci-dessous, et publié sur Medium. “ Les artistes indépendants sont des startups et ils ne le savent même pas”

Au cours des dix dernières années, internet a fondamentalement changé l’industrie musicale. Les découvertes musicales, l’implication des fans ainsi que les ventes de disques sont totalement différentes de ce qu’elles étaient auparavant. On retrouve le même phénomène dans de nombreuses autres industries créatives, comme l’édition, les jeux vidéo, le cinéma, ou encore la photographie. Et les musiciens continuent de lutter pour vivre de leur métier, se sentant souvent frustrés de ne pas recevoir une compensation suffisante par rapport aux efforts fournis, au temps investi, ainsi qu’au talent impliqué.applicaton

En fait, les artistes indépendants ignorent qu’ils sont devenus de véritables entrepreneurs et qu’il faut commencer à penser et à agir comme tels au lieu de s’apitoyer sur son sort (même si cela donne matière à écrire… ). Si vous jetez un oeil sur ce qu’il se passe dans les autres secteurs créatifs, vous y trouverez une vision totalement différente. Un des plus intéressants est le secteur des technologies, où les startups bénéficient de meilleurs accompagnements et financements. C’est dans ce secteur que l’on a vu des levées de fonds se comptant en milliards de dollars. Et ces levées ont permis la création d’entreprises telles que FacebookTwitterSpotifyRdioiTunes etc. Même les entreprises de jeux comme Rovio et OMGPOPAngry Birds et DrawSomething ont attiré les investisseurs….

Prenons un peu de recul : qu’est-ce que les applications et les jeux ont en commun avec la musique ? Il s’agit dans tous les cas d’un fichier numérique. Vous pouvez dire que ce n’est pas forcément le cas et vous avez probablement raison, mais en réalité, la musique aujourd’hui, c’est le MP3, le WAV, l’OGG, ou n’importe lequel de votre format préféré.

Si nous devions comparer une startup classique avec un groupe (qui se transformerait en startup musicale), nous y verrions beaucoup de ressemblances.

Startup classique

Groupe = start up musicale

PDG

Manager

Co-fondateurs

Membres du groupe

Concepteurs de produis/services

Arrangeurs et paroliers

Commerciaux

Chanteurs

Programmeurs et outils (PHP, CSS, Java, Photoshop, VectorGraphics…)

Musiciens de sessions (guitaristes, batteurs, bassistes, claviéristes…)

Chef de produit

Producteur

Capital de départ grâce aux levées de fonds

Capital de départ grâce au crowdfunding

Créer un site, une application, un jeu

Créer un morceau ou un album

Recherches de gentils investisseurs, investisseurs en capital-risque, investisseurs institutionnels

Recherche de financement de la part des labels, financement participatif

 

Les développeurs d’applications créent des applications, tandis que les musiciens créent de la musique. Les développeurs d’applications les plus entreprenants vont présenter leurs idées auprès des investisseurs, en échange d’actions dans leurs startups. Avec le capital apporté par les investisseurs, les développeurs peuvent faire des achats, embaucher des graphistes, des programmeurs et des commerciaux pour obtenir plus de clients et d’utilisateurs pour leurs applications et leurs services.
Tous ces efforts sont mis en œuvre dans le but qu’un grand nombre de consommateurs téléchargent et utilisent un fichier numérique. Ça ressemble beaucoup à ce que les artistes indépendants devraient faire, n’est-ce pas ?

Le terme « musicien » est générique. Il inclut les compositeurs, les paroliers, les guitaristes, les batteurs, les chanteurs, les arrangeurs, les producteurs… etc. Pour créer une chanson, vous avez besoin d’au moins quelques-unes de ces compétences. Comme pour une startup, vous avez besoin d’un business plan, d’un développeur web, et d’un graphiste entre autres, pour obtenir votre produit final.

Certains musiciens ont de multiples talents. C’est le cas d’un auteur-compositeur-interprète qui joue du clavier ou de la guitare. Certains entrepreneurs ont également de multiples talents : avoir le sens des affaires, être capable de coder et de faire le design d’un site par exemple. Les entrepreneurs doivent se rendre compte qu’ils n’ont pas toutes les compétences nécessaires pour construire leur projet de A à Z. Il leur faut lever des fonds de la part des investisseurs pour former une équipe et avoir des ressources pour réaliser le projet. Les musiciens agissent de la même façon, qu’il s’agisse d’auto-financement, de subventions, ou de collaborations avec d’autres musiciens, même si cela s’opère à plus petite échelle.

Alors pourquoi les groupes et artistes indépendants ne bénéficient-ils pas de la même durabilité, ni du même succès que les startups ? La raison est simple : les artistes indépendants ne sont pas aussi bien organisés et ne fonctionnent pas comme une startup.

La différence, c’est que les musiciens ne partagent pas ce constat, et restent centrés sur eux : « je chante, alors je mérite un public, l’attention, et une rémunération pour mon talent ». Ils rêvent d’être signés chez un label, ce qui, pour un artiste, équivaut à obtenir un emploi salarié. Ce rêve ressemble à celui d’un programmeur, d’être embauché chez IBM.

 

Tech Startup Musicien qui reste musicien
PDG Compositeur – Moi
Co-fondateurs Co-compositeurs – Moi et un ami
Concepteur de produit/service Arrangeur/Parolier – Moi
Commerciaux Chanteur – Moi (parce que c’est MA chanson)
Programmeurs et outils (PHP, CSS, Java, Photoshop, VectorGraphics… ) Moi (Garage Band, ça déchire !)
Chef de produit Moi
Capital de départ grâce aux levées de fonds Journée de travail/économies/Coucou papa j’ai besoin d’argent
Créer un site, une application, un jeu, facturer l’utilisation, le téléchargement, l’inscription, vendre de l’espace publicitaire Télécharger de la musique sur Soundcloud pour faire « découvrir » ma musique gratuitement. Espérer qu’un dénicheur de talent me trouve, me donne un travail et un salaire
Recherches de gentils investisseurs, investisseurs en capital-risque, investisseurs institutionnels Mes fans achètent l’album avant que je l’enregistre (financement participatif)
Vendre des parts de l’entreprise pour lever des fonds J’écris la chanson. Je possède tous les droits. Elle est à moi et rien qu’à moi. Ne pas la vendre, même si je meurs de faim

 
Que faut-il faire ? Tout d’abord, changer les mentalités. Commencer à penser comme une startup musicale et agir ainsi. De la même façon qu’un développeur de jeux rêve de créer le prochain Candy Crush ou le futur Angry Bird, l’artiste indépendant doit créer le prochain What Does The Fox Say.

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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