L’épineuse question de la dénomination du groupe musical après dissolution

La semaine dernière, Didier Felix a expliqué ce qu’était le nouveau statut d’agent artistique.

Didier Felix, anciennement avocat qui a décidé de se tourner vers le métier d’entrepreneur avec Deal Point, un service qui s’adresse aux producteurs, éditeurs ainsi qu’aux créateurs et artistes désireux de se structurer pour la meilleure exploitation de leurs œuvres, productions et prestations et l’optimisation de leurs revenus, revient aujourd’hui sur l’épineuse question du nom du groupe. En résumé, vous vous quittez, qui garde le nom?

« J’ai fondé les Beatles et je les ai dissous ; c’est aussi simple que cela » John Lennon.

Il serait réducteur de dire que la réussite d’un groupe musical réside uniquement dans sa capacité à conjuguer des individualités et à les faire avancer dans le même sens. Néanmoins, le groupe de musique est une entité fragile, la mésentente entre membres est une des principales causes de disparitions de l’univers musical ; on ne compte ainsi plus les groupes disparus du circuit en raison de divergences internes ; encore moins ceux dont un membre à l’ego surdimensionné, au talent étouffé ou encore au taux d’alcoolémie trop élevé a été évincé : les exemples les plus éloquents étant, à titre indicatif, Dave Mustaine guitariste originel de Metallica expulsé du groupe quelques semaines avant la sortie de leur premier album, Tricky claquant la porte des rois du Trip-Hop « Massive Attack » alors que ceux-ci sont à leur apogée ou encore la disparation des Fugees pour divergences artistiques…

D’un point de vue juridique, ces évènements posent la question de la propriété du nom du groupe revendiqué à la fois par les membres restants et par ceux ayant quitté le groupe.

L’arrêt QUILLAPAYUN rendu le 11 juin 2009 par la Cour de Cassation, dix ans après l’arrêt GIPSY KING réaffirme un élément essentiel : le nom d’un groupe est la propriété indivise de ses membres ; le choix de l’indivision est juridiquement le mode le plus adapté à l’exercice effectif d’un groupe de musique, Maître Jerry Sainte-Rose qui commentait la décision GIPSY KING du 25 janvier 2000 parlait de la dénomination collective comme « reflet de la personnalité collective constituée par le groupe uni ».

Lorsqu’un différend survient qui mène à une séparation, ou plus exactement à une scission, comme c’est le cas dans l’arrêt QUILAPAYUN, la solution de la Cour de Cassation est sans appel : il est du pouvoir souverain des juges du fond de constater qu’après scission, c’était la faction réunie autour du fondateur du groupe qui héritait de la dénomination et ce parce qu’ils avaient assurés la permanence du projet artistique, moral et politique du groupe tel qu’élaboré à sa création. La faveur est donc donnée aux membres restants du groupe réunis autour du fondateur clairement identifié.

En l’espèce, le poids politique du groupe jouait de plus clairement en faveur de la faction constituée par le fondateur ; ils étaient ainsi identifiés comme des opposants à la dictature de Pinochet et militaient au coté de la fondation de l’ancien président assassiné le 11 septembre 1973 : Salvador Allende.

Seule restait à la deuxième faction la possibilité d’utiliser le nom pour se prévaloir de la qualité d’ancien membre du groupe.

Comme dans l’arrêt GISPSY KING, la notion d’indivision est confrontée non sans danger à une analyse purement factuelle opérée par les juges du fonds. En effet qui peut dire aujourd’hui que Gun’s n Roses dont le nom est resté propriété du chanteur et fondateur Axl Rose est celui qui assure le mieux la permanence artistique de l’entité lorsque l’intégralité des membres initiaux dont le fantasque guitariste Slash s’est reconstituée sous l’égide d’un groupe en concurrence directe avec ce dernier : « Velvet Revolver ».

La situation connue pour le groupe QUILAPAYUN se produit fréquemment dans la carrière d’un groupe musical, il est alors difficile d’établir une présomption en faveur du leader, notamment lorsque le groupe est à peine éclos.

D’innombrables questions surviennent alors et sont soumises aux tribunaux français les tribunaux français : qui était le leader d’un groupe lorsque la moitié des membres seulement reconnait avoir travaillé avec lui ? qui est celui qui s’est occupé de leur tournée ? qui avait le mieux la capacité d’engager le groupe à la participation d’évènements musicaux ? etc…

Autant de questions dont la réponse n’est apportée que par une étude au cas par cas à laquelle doivent se livrer les juges du fond qui devraient confronter le critère de la « permanence du projet artistique » à la réalité des faits…

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About Didier Felix

Avant de rejoindre la profession d’avocat au mois de Mai 2000, Didier Felix a passé plus de 10 ans au sein d’entreprises et de sociétés de gestion collectives de l’industrie musicale (SACEM, SCPP, FNAC MUSIC PRODUCTIONS, CITE DE LA MUSIQUE, BMG FRANCE) en charge à la fois de l’activité « Business Affairs » (rédaction et négociation de contrats) mais aussi des précontentieux et des procédures judiciaires. Après avoir pris en charge la branche musicale et audiovisuelle au sein du département Propriété Intellectuelle du Cabinet BAKER & MC KENZIE à Paris, Didier Felix a crée son propre Cabinet en septembre 2001 dont l’activité s’est poursuivie jusqu’en juin 2012 date à laquelle il a sollicité son omission du Barreau de Paris pour fonder la société DEAL POINT.

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