Commercialiser sa musique sur Internet sans être inscrit SACEM

En ce moment, il y a pas mal de débat sur les nouveaux business models de la musique. Vous le savez si vous me suivez, pour moi il n’y a rien de pire que les idéologies mal définies comme “Je suis contre le droit d’auteur” “Pour Hadopi” “Pour le piratage” “blablabla..”. Le pire là dedans, c’est que ces gens qui en parlent ne connaissent pas souvent le métier, le marché ou les artistes….Ici, chez DBTH, on pense surtout que l’on doit replacer l’artiste au centre des discussions et arrêter de parler pour lui.

L’artiste n’est pas une entité à part, c’est quelqu’un qui produit un travail intellectuel et artistique et qui donc doit en être justement rémunéré. Et le problème de ces idéologies toutes faites, mais pas faites avec des artistes, c’est qu’elles ne permettent pas de lever le voile sur les vrais problèmes, qui vont bien au delà d’être pour ou contre quelque chose. Le passage de l’amateurisme au professionnalisme devient par exemple quelque chose de quasi impossible maintenant pour un artiste, en 2011. Tout comme on voit une nette baisse des productions, et de la qualité de production dûe à un manque de budget flagrant.

Bref, je suis pour le choix. Tout le monde réfléchit à faire évoluer le droit d’auteur, à défricher de nouveaux business models mais droit d’auteurs ou pas, inscription Sacem ou pas, creative commons ou pas, ce choix doit d’abord être réalisé ou discuté avec le premier concerné, l’artiste. Et puis le vrai débat ne serait pas quelle place nous accordons à la musique dans notre société? Quelle valeur accordons nous à la musique, là maintenant en 2011?

Il faudrait aussi arrêter avec “le nouveau modèle économique de la musique”. Il n’y en a pas. Ou il y en a des milliers. Mais nous ne sommes plus sur un modèle magique youpi. C’est devenu très dur.

Le site eAuteur “le droit d’auteur pour tous” a donc fait un article sur les differentes alternatives de commercialisation de sa musique sur Internet quand on n’est pas inscrit Sacem. Et il y en a quelques unes…Et ça vaut le coup de se pencher dessus car on peut aussi faire le choix de ne pas s’inscrire à la Sacem.

En France, quand on parle de protection des droits d’auteur et de rétribution en musique, on pense Sacem. Il existe même une idée reçue selon laquelle les auteurs compositeurs français sont obligés d’être inscrits à la Sacem, dès lors qu’ils utilisent leur musique à des fins commerciales. Une autre croyance dit que sans la Sacem, un compositeur ne peut pas vivre…

La SACEM et les nouvelles réalités du monde de la musique

Un système peu adapté aux indépendants

En réalité, l’inscription d’un compositeur à la Sacem est une possibilité parmi d’autres pour protéger sa musique. C’est une possibilité qui comporte des avantages et des inconvénients. La Sacem étant une société importante de gestion des droits, elle a des antennes partout, et peut facilement vérifier l’utilisation des musiques. Mais ce n’est pas parce que vous en êtes membre que vous allez devenir riche. C’est un système qui rémunère beaucoup les compositeurs «reconnus», mais qui n’est pas forcément adapté aux nouveaux talents. C’est aussi un système qui a été créé pour le marché de la musique il y a fort longtemps, et qui a du mal à s’adapter à la révolution Internet : Comment faire face à tous ces gens qui écoutent de la musique gratuitement ? Comment va-t-on rémunérer les ayant droit ?

De fortes contraintes pour les compositeurs

L’inconvénient majeur de ce système, c’est son manque de flexibilité. En effet, à l’époque de sa création, ce côté très rigide permettait à la Sacem de répondre au mieux aux attentes de ses membres. D’une part, un adhérent Sacem l’est à vie. D’autre part, tout morceau créé par lui est considéré comme faisant partie du catalogue Sacem, même si le compositeur adhérent a décidé que ce morceau-là ne serait pas déposé (par exemple pour pouvoir plus facilement le diffuser, ou le proposer au téléchargement gratuitement…). Par ailleurs, la compréhension des clés de répartition est très difficile, ce qui rend le système obscur.

Une utilisation commerciale de la musique très complexe

Dans l’utilisation de la musique à des fins commerciales, notamment pour l’habillage de films, de sites Internet ou d’événements, l’utilisation de musique venant d’un catalogue Sacem n’est pas facile : il faut l’accord des ayant droit, négocier un prix, déclarer les différentes utilisations, et payer une partie des droits d’utilisation au compositeur et une partie (liée à la diffusion de l’œuvre) à la Sacem. Certains diffuseurs trouvent cela trop compliqué et aspirent à plus de simplicité. Plusieurs acteurs aujourd’hui proposent de la musique dite « Libre » (ce qui veut dire non-déposée à un quelconque organisme de gestion des droits d’auteur) et rémunèrent des artistes selon l’utilisation faite de leur musique. Pour les clients, c’est facile, simple et transparent. Pour les compositeurs, c’est direct, et clair.

De nouveaux systèmes contractuels pour commercialiser sa musique

Dans un monde où le modèle économique de la musique n’est plus le même, où de plus en plus d’artistes font le choix de l’indépendance, de nombreux acteurs ont vu le jour pour soutenir cette création foisonnante. Ces acteurs sont souvent liés à Internet, car c’est là où généralement tout commence (avec le live).

Diffuser sa musique gratuitement pour se faire connaître

La diffusion gratuite de certaines de ses compositions s’intègre parfaitement au sein d’une stratégie marketing, en permettant de se faire connaître sur le web et de bénéficier des effets de viralité sur les réseaux sociaux. Les contrats Creative Commons, inspirés des licences libres et du mouvement Open Source, ont été rédigés à cette fin, tout en permettant de protéger ses droits. Ils ne sont pas synonymes de gratuité, mais précisent les droits offerts et les utilisations que l’auteur consent au public à titre gratuit : en général l’écoute, le téléchargement, éventuellement la modification. Les contrats Creative Commons sont faciles à mettre en place, facile à décoder. Leur principe est de prévenir l’utilisateur, à l’avance, de ce que l’auteur lui permet de faire de son œuvre — contrairement à l’ancien système, où l’utilisateur doit demander la permission à l’auteur d’utiliser son œuvre. C’est l’idéal pour un artiste qui souhaite se faire connaître, sans avoir à rendre de compte à un organisme quelconque.

Une rétribution sur les utilisations commerciales

Les contrats Creative Commons peuvent autoriser ou pas l’utilisation des œuvres dans un cadre commercial. Dans ce dernier cas, il est possible d’utiliser une deuxième licence qui spécifie les utilisations commerciales autorisées, et le montant de la rétribution à verser à l’auteur. Celles-ci peuvent être, par exemple, l’illustration sonore d’une vidéo (film, documentaire, clip, etc.), l’habillage d’un site internet, la diffusion dans un espace public (magasin, restaurant, etc.) ou auprès d’un groupe d’auditeurs (radio web). L’artiste peut gérer seul son exploitation commerciale, ou avec des intermédiaires : il existe en effet des plateformes dites de « licencing », qui ont pour vocation de vendre aux professionnels des licences d’utilisations d’œuvres (en musique, mais aussi illustrations, photos…), et qui déterminent un tarif pour un usage précis des œuvres, avec une durée limitée ou illimitée. Évidemment seul le titulaire des droits est susceptible d’accepter ou de refuser les utilisations faites de ses créations. Mais cela lui permet de toucher de l’argent sur son œuvre, sans renoncer à ses droits, à sa souplesse et à sa liberté.

L’auteur: Céline de Robillard est une des cofondatrices de beMYsound, plateforme internet de vente de licences musicales qui simplifie et facilite l’achat de droits musicaux en proposant de la musique sans redevance Sacem. Céline est aussi consultante en web-marketing et ergonomie.

Illustration musicale “We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

5 comments

Ouip’tite question comme, quel est le poids d’une licence creative commons devantuntribunal si l’utilsateur ne respecte pas les licences ? Ca serait pas mal de savoir.

Hi,

Quelle jungle, merci pour cette source d’information qui me permet de distinguer les différences de tous ces systèmes existant.

Bonjour Virginie,

Tout d’abord, bravo et merci pour ton site (et ton livre blanc (je suis un fan de la première heure)).

J’ai une question à te poser, qui je pense intéressera pas mal d’artistes.

Pourrais-tu nous fournir quelques exemples de contrats d’exploitation commerciale qu’un artiste CC pourrait mettre à sa sauce ?

Parce que je trouve que l’offre de sites comme Jamendo ou beMYsound est bien mais pas parfaite : l’artiste (CC) ne peut pas lui même décider du montant de sa rétribution. Personnellement, si j’étais compositeur, je ne voudrais pas que ma musique puisse être vendue à une série TV pour seulement 400€/25ans [tarifs beMYsound]…

Je prends un exemple. Une artiste — appelons la Emma Leprince — propose sur son site web un téléchargement gratuit de sa musique en CC BY-NC-ND. Emma indique, dans une rubrique spécifique de son site web, que si on veut utiliser pour une utilisation commerciale son dernier tube “You F** My Bear” (aux paroles subversives inspirées de Zadig & Voltaire), il suffit de contacter son agent par le formulaire en ligne. Le client recevra une proposition commerciale dans les plus courts délais (ou un coup de téléphone pour plus de précisions). Ainsi, Emma peut moduler ses tarifs en fonction du périmètre de diffusion, de l’opportunité financière (pour un film d’entreprise chez Total, elle ne fait pas le même tarif que pour Joe Garagiste & fils), en fonction de ses affinités avec le projet (“Sauvons les loutres”) ou à la gueule du client 😉

Voilà, c’est ce genre de truc, adaptable aux écrivains, peintres, etc., que je voudrais mettre en place. Aurais-tu la gentillesse de me donner quelques pistes ?

Merci !

Etienne

Etienne,
Emma a parfaitement raison de procéder de la sorte… En revanche, si topologiquement parlant, la musique “en boite” présente la caractéristique d’être reproductible à l’infini à l’image de son “master”, pour une toile, il y a l’original dont la caractéristique est d’être unique, et ses reproductions qui n’ont pas la même qualité. Il faut aussi savoir que si Emma achète un tableau à un peintre pour le mettre dans son salon, elle peut voir arriver le peintre cinq ans après qui lui demande de lui “prêter” son tableau momentanément pour une exposition de deux semaines à NewYork ou à Londres… car ceci reste finalement son tableau… Emma a juste acheté une “licence de contemplation du tableau dans son salon”…
A chaque forme d’art sa solution. Elle diffère un peu selon le domaine de l’oeuvre considéré, quoique la base se trouve dans le CPI.
PS : L’original en musique c’est juste le concert. Il n’y en a qu’un, seul et unique. D’ailleurs, pas plus de trente concerts pour respecter le véritable sens de l’oeuvre d’art…
PPS : et merci à Virginie pour ce site didactique, et au demeurant fort intéressant.

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