Comment travailler avec un tourneur? Une interview de Furax

Dans notre thématique métier, nous nous penchons aujourd’hui sur le métier de tourneur, à travers l’interview de Pierre Pascal Houdebine dit PP, le patron de Furax, qui fait de la production de spectacles et est également agence de booking.

Alors c’est quoi Furax? D’abord issu du monde associatif et créé 1992, basé à Paris, Furax est devenu producteur de spectacles en 1999. Dès le départ l’ouverture musicale et la diversité ont été les maîtres mots. La société Furax produit, booke et promotionne des spectacles français et internationaux. Ils travaillent ainsi avec des artistes aussi ecléctiques que Ben Mazué, Beat Torrent, Hocus Pocus, Misteur Valaire, Lexicon, Gaza 6 ou Zenzilé…

Pierre Pascal, dit PP a donc accepté d’en dire un peu sur son métier, assez peu connu en fait…La semaine prochaine, c’est Virginie, bookeuse chez Furax qui se collera à l’exercice et en dira plus sur le booking au quotidien.

C’est quoi un tourneur?


Un producteur de spectacle qui vend ou produit des spectacles et a en charge les salariés artistes et techniciens du-dit spectacle. En pratique, il doit réfléchir aux meilleurs endroits stratégiques (en terme de notoriété), financiers, logistique (routing) où plugger ses artistes.

Comment un tourneur se crée un catalogue? Y’a t’il une affinité artistique entre les artistes?


Plutôt une affinité d’esprit, c’est à dire un mode de fonctionnement d’une part et une une typologie d’artiste (genre, notoriété, potentiels..) d’autre part. Et bien sûr ce catalogue se construit au fil des rencontres, des opportunités (comme des artistes qui changent de tourneurs) et de recherche (nous opérons une veille permanente sur le net et les programmations de salles et festivals).

Quels sont les critères de choix d’un artiste?


Reconnaissance artistique, disponibilités et charge de travail nous concernant à un moment donné et bien sûr avoir la possibilité de visionner l’avenir et le développement de cet artiste au vu des éléments que celui ci nous fournit (actualité, particularités scénique, etc….).

Peux tu décider de miser sur un artiste sans label?


Oui, nous l’avons fait à plusieurs reprises  avec Emily Loizeau, Beat Torrent, Oldelaf (qui sont depuis signés). (NDLR: ILs ont également misé sur il y a 2 ans les Misteur Valaire qui à l’époque n’avaient ni albums, ni distribution en France).

Des contrats sont ils passés entre artistes et tourneurs?


Rarement. Comme nous vendons quelque chose d’éphémère et que les trajectoires artistiques sont extrêmement variées et fluctuentes, il est difficile de projeter un travail sur plusieurs années. On ne travaille pas au jour le jour mais sur quelques mois très souvent. Et lorsque d’une part et d’autre la confiance n’y est plus, il est très difficile de continuer, même avec un contrat.

Un bémol dans le cadre de tournées précises et délimitées dans le temps où là il est bien plus aidé de faire un contrat.


Quel est le travail au quotidien d’un tourneur?


Plus ou moins dans l’ordre: Booking/Negociation > contractualisation > Promotion > gestion logistique > suivis des payes > suivi de la date/Compte rendus…

Tout cela donc avec des postes distinctifs de booker, administrateur et régie, production et promotion. Bien entendu, il y a une interaction permanente sur chaque date spectacle/artistes entre tous ces postes, ce qui implique une communication intense et ininterrompue entre tous, tout au long de l’année.

Quels sont les leviers promo que tu utilises le plus?


Malheureusement assez peu…Pour les dates parisiennes que  nous produisons, on utilise du marketing classique type affichage, métro, tractage, insert presse (qui peut impliquer des partenariats type A nous Paris, 20 minutes, Libération, Mondomix…) et annonces radio (partenariats également avec Nova, France Inter..), et enfin de la veille internet avec ou sans agence exterieure…

Sur Internet, on fait également de nombreux partenariats avec différents sites et des newsletters achetées, via des agences de promo web.

Tu me disais que tu voulais vraiment créer une vraie relation humaine des tes artistes. Comment arrives tu à faire cela?


En fait, ce n’est pas vraiment une volonté délibérée, c’est plutôt que je ne sais pas faire autrement. Mais je rappelle systématiquement que l’on est d’abord là pour travailler puis que pour bien travailler, autant avoir de bonnes relations, sans rentrer dans le piège de l’affectif qui serait contre productif. L’extra sensibilité des artistes induit en général une relation personnalisée assez forte qui a ses limites de part et d’autres d’ailleurs, mais basée sur la confiance.

On dit que “ce qui va sauver les artistes, c’est le live”. En tant que tourneur, qu’en penses-tu?

C’EST UNE ERREUR.

Le live existait avant l’explosion du disque et les revenus énormes que celui ci a généré. Il n’empêche qu’il n’y a pas de place pour tous sur scène car tout simplement le public, tant en terme financier que de simple consommation culturelle n’est pas exponentiel. Je crois que les possibilités de se produire sur scène aujourd’hui (nombre de salles, festivals, etc..), dépasse ce public potentiel. Donc une selection se fait par la qualité des spectacles (et donc l’engagement et le travail que ça implique pour les artistes) pour le plus grand plaisir des spectateurs.

Quels conseils donnerais tu à un artiste qui s’adresse à vous pour travailler avec vous?


De faire parler le plus souvent possible de lui, de montrer qu’il évolue tant artistiquement que structurellement, qu’il est dans une dynamique permanente et exponentielle, qu’il s’est développé déjà sans nous et qu’il vienne vers nous lorsqu’il est saturé et pas simplement qu’il veuille se remettre entre des mains professionnelles pour se reposer..

Illustration photo: “we want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

10 comments

Je me permettrais juste de ne pas être tout à fait d’accord sur l’avant-dernier point:
– Déjà, je ne crois pas un seul instant que la qualité des spectacles entre en compte.
– Et si l’offre est déjà tellement saturée, pourquoi voit-on toujours les même ?

Je ne cherche pas à être désagréable, pas du tout hein. J’insiste là-dessus. Mais j’ai un vrai problème en tant que spectateur: les festivals de printemps/été ne sont plus qu’un condensé de ce qui est déjà passé deux ou trois fois durant l’année dans la/les SMAC et consorts du coin.

“je ne crois pas un seul instant que la qualité des spectacles entre en compte.” C’est à dire que tu ne crois pas qu’un artiste de qualité puisse faire la différence? Je peux t’assurer que j’ai un paquet d’exemples d’artistes qui font justement la différence par la scène et par leur qualité de prestation…Mais je laisserai répondre PP sur le sujet, c’est lui le spécialiste;

Je crois qu’on pérennise par la qualité de la prestation, mais que la programmation et l’émergence de projets dépend d’autres facteurs (arrangements: tu m’achètes 4 “daubes” avec lesquelles tu risques de faire un four mais qui passe sur M6 et je te file une exclu sur Untel); marketing (une bonne campagne de pub ?), ou que sais-je encore…)

J’étais emmerdé en postant mon commentaire, parce que je veux pas du tout être désagréable ni même soulever la polémique. Mais je n’ai pas trouvé de formulation qui ne soit pas un peu grinçante. Et merde !

Alors je te rassure, je ne l’ai pas pris comme désagréable ou polémique :). T’as une opinion, c’est normal d’en parler.
Mais ensuite je me refuse à commenter les itws car il ne s’agit pas de ma parole, donc je n’aurai qu’un avis forcément subjectif, qui n’est peut être pas celui de l’interviewé. Donc je demanderai à PP de revenir vers toi, ça sera bien mieux 🙂

Cher Romain, je comprends que tu sois déçu régulièrement par la redondance des programmations, je suis aussi d’accord la-dessus. Mais les pratiques commerciales qui effectivement parfois permettre de caler un artiste en développement grâce à une tête d’affiche (heureusement que ce genre de bon procédé existe aussi) ne doivent pas être confondu avec un travail à long terme d’un artiste. Un mauvais concert ou un mauvais spectacle à peu de chance de se pérenniser alors qu’un artiste ou un groupe qui réalise de vraies performances scéniques se voit plébiscité par le public “live” bien plus aisément. Maintenant ce n’est pas une règle d’or.

Intéressant article ma foi.

Néanmoins, la vision de PP semble très parisienne quand il dit : “Je crois que les possibilités de se produire sur scène aujourd’hui (nombre de salles, festivals, etc..), dépasse ce public potentiel. Donc une sélection se fait par la qualité des spectacles (et donc l’engagement et le travail que ça implique pour les artistes) pour le plus grand plaisir des spectateurs.”

A Paris, dans les grandes métropoles, peut-être, mais ailleurs, en province, même dans les villes moyennes, l’offre reste très limitée, sauf cas exceptionnels.

Par ailleurs, ailleurs, justement, en Angleterre en particulier, il y a plus de scènes et de lieux de spectacle et plus de public aussi. Et les spectacles m’y semblent de fort bonne qualité en général. Et les artistes y ont me semble-t-il moins besoin d’amaigrir les vaches pour survivre.

Alors, cela est relatif, non ?

Enfin, hein, comme je dis toujours… C’est quoi que je dis toujours, déjà ?

Bonjour,
Nous sommes en contact avec un tourneur qui book des concert dans toute l’Europe (Allemagne, Hollande, Belgique, Suisse, Autriche etc…). Après avoir parlementer pendant de bons mails le gars nous propose 10 dates en 13 jours dans plusieurs pays. Il faut savoir que dans le style que nous faisons (space rock prog) les dates sont compliquées à trouver et le réseau ne saute pas aux yeux. Bref au delà des frais de tour-bus, d’essence et autres le mec nous demande, pour ces 10 dates, d’avancer son pourcentage soit 1000€. Est-ce normal de fonctionner dans ce sens?
Voilà son agence de promotion
http://www.prog-sphere.com/promotions/

Je suis un assidue des concerts de rock et blues et je pense que l’avenir des ces artistes passe essentiellement par la scène, un vrai artiste fait de la scène et des CD en live voilà mon avis. Je prends plusieurs exemples, Joe Bonamassa doit faire 150 a 200 concerts par an, de meme pour Popa Chubby ou Ana Popovic, pour ne citer que ces trois là, de plus ils ne passent jamais a la radios et pourtant ils remplissent les salles du monde entier. Le spectateur qui se déplace à un concert acheté très très souvent le CD dans les jours qui suivent, de plus lors des concerts il y a souvent une première partie ou fréquemment il y a des pépites

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