Artistes: Sur le statut des amateurs, les dix questions pour être en règle

Tous les jours, on me pose des questions sur le statut de l’artiste. “Amateur ou professionnel”, “Association ou auto-entrepreneur”, “Comment on se déclare?”. Questions auxquelles je n’ai pas forcément les réponses mais auxquelles l’Irma, grâce à ses merveilleuses fiches pratiques, a la réponse.

Donc aujourd’hui, on va traiter des différents problèmes rencontrés lors de l’intervention d’amateurs dans le cadre de concerts, de stages ou d’ateliers et de la réalisation de fiches de paie, salaires, défraiements, etc.

La pratique en public de la musique et l’organisation de concerts, d’ateliers ou de stages amènent de nombreux musiciens et responsables d’associations à se poser un certain nombre de questions récurrentes touchant à l’intervention d’amateurs. Il est donc très important de connaître la législation et la réglementation en la matière. Les réponses aux questions peuvent apparaître ultralégalistes, mais elles s’appuient sur des faits concrets.

Amateur ou professionnel ?


Le spectacle vivant est réglementé en France par l’ordonnance relative aux spectacles, dites “ordonnance de 45“. Le code du commerce l’assimile quant à lui à un acte commercial, et le code du travail prévoit que tout artiste se produisant devant du public est présumé salarié, et doit donc disposer d’un salaire et d’un bulletin de paye (art. L762-1 du code du travail).

Comment distingue-t-on dès lors l’amateur du professionnel ?


Le premier texte réglementant le cas des artistes amateurs dans le spectacle vivant (décret n°53-1253 du 19 décembre 1953, toujours en vigueur) s’attache à définir la notion de “groupement d’amateurs” comme suit :

Est dénommé « groupement d’amateurs » tout groupement qui organise et produit en public des manifestations dramatiques, dramatico-lyriques, vocales, chorégraphiques, de pantomimes, de marionnettes, de variétés, etc., ou bien y participe et dont les membres ne reçoivent, de ce fait, aucune rémunération, mais tirent leurs moyens habituels d’existence de salaires ou de revenus étrangers aux diverses activités artistiques des professions du spectacle.

Ce décret permet donc aux amateurs de déroger à la présomption de salariat. Un amateur est ainsi un artiste bénévole ne tirant pas ses revenus de ses activités sur scènes.

Une circulaire du 23 mars 2001 précise et restreint le cadre d’activité des amateurs. Pour être amateur, il faudrait :
– qu’elle (la représentation) soit pratiquée par des personnes qui tirent leurs moyens d’existence d’activités étrangères à celles du spectacle,
– que les groupements soient constitués en associations loi 1901, qu’ils soient agréés par une commission spécifique et que leurs statuts et règlements intérieurs fassent apparaître le caractère désintéressé et non concurrentiel de l’activité,
– que les spectacles soient exclusivement présentés dans l’académie où est fixée l’association, que les groupements ne produisent pas plus de trois spectacles par an (avec dix représentations maximum dans les agglomérations fréquentées par des groupements professionnels)
.

La réglementation ne prévoit pas que les amateurs puissent disposer d’une licence d’entrepreneur de spectacles (ils n’entrent pas dans le champ de l’ordonnance de 45). Cependant depuis 1999, les spectacles mêlant professionnels et amateurs sont reconnus par la loi (loi n°99-198 du 18 mars 1999) et, contrairement aux groupements composés uniquement d’amateurs, ils sont régis par l’ordonnance de 45 qui prévoit :

Les groupements d’artistes amateurs bénévoles faisant appel à un ou plusieurs artistes du spectacle percevant une rémunération peuvent exercer occasionnellement l’activité d’entrepreneur de spectacles, sans être titulaires d’une licence, dans la limite de six représentations par an.

Attention : il convient d’insister qu’à la lecture croisée des textes, quel que soit le cadre d’activité, toute rémunération versée à un chanteur, un musicien ou un danseur implique un salaire et un bulletin de paie, quelle que soit, par ailleurs, la profession qu’il exerce habituellement – et donc qu’il soit professionnel ou non.

Un organisateur de concerts, de bals, de cours, d’ateliers ou de stages peut-il verser uniquement des indemnités aux musiciens et intervenants amateurs ?


Cette pratique comporte un risque. Ce « défraiement » de type forfaitaire peut être assimilé par l’Urssaf à un « salaire déguisé ». Il risque donc d’être totalement requalifié en salaire et de donner lieu à un redressement.
Par contre, il est possible de rembourser les frais réellement engagés par des musiciens, les chanteurs ou les danseurs pour un stage, un bal ou un concert. Mais ce remboursement doit s’effectuer « au franc le franc » (pour le montant exact des frais engagés) et sur présentation de justificatifs (remboursement exact des frais de déplacement selon le barème Urssaf ou factures d’essence, certificats de péage autoroutier, notes de restaurant et d’hôtels, etc.). Conservez précieusement les pièces justificatives pour éviter de vous trouver dans la situation décrite plus haut.
Vous pouvez rembourser les déplacements sur la base d’un barème kilométrique à la condition que ce remboursement soit justifié, c’est-à-dire qu’il corresponde à un trajet effectivement réalisé et calculé avec précision. Le barème autorisé est celui de l’Urssaf ou celui qui figure à la fin de la notice explicative qui accompagne la déclaration d’impôt (barème selon la puissance fiscale du véhicule).

Un groupe d’amateurs ou une association d’amateurs peuvent-ils émettre uniquement une note de frais forfaitaire pour leur participation à un stage, un bal ou un concert ?


L’émission d’une note de frais forfaitaire nous ramène à la situation évoquée ci-dessus. Autrement dit, c’est impossible sans les justifications décrites plus haut.
L’établissement du bulletin de salaire nécessite la connaissance des taux à appliquer (pour plus de précisions, se reporter à la fiche pratique : Mémento pour le paiement des artistes du spectacle).

Une association ou un groupe d’amateurs constitués en association peuvent-ils émettre des factures pour la participation de leurs membres à un bal ou un concert ?


Si cette facture est destinée à rembourser les frais engagés par des artistes amateurs bénévoles, nous sommes ramenés aux deux situations décrites ci-dessus. Si une partie ou la totalité des sommes ainsi facturées est déposée sur le compte de l’association pour une utilisation collective (achat de matériel, sonorisation, instruments), il est nécessaire de conserver toutes les pièces justificatives. Si la totalité ou une partie des sommes facturées est redistribuée aux participants sans aucune déclaration sociale, il y aura redressement et l’association sera en plus susceptible d’être accusée de « travail dissimulé ». Si les artistes sont rémunérés, le code du travail dispose que cette rémunération doit se faire sous forme de salaire avec établissement d’un bulletin de paie.

Une association ou un groupe d’amateurs constitués en association peuvent-ils émettre des factures pour la participation de leurs membres à des cours, des ateliers ou à un stage ?


Les activités d’enseignement (que l’enseignement soit donné par un professionnel ou un amateur) ne sont pas considérées comme des activités du spectacle. La facturation d’une telle prestation sera analysée comme une prestation de services (avec TVA applicable de 19,6 %). Si les formateurs fournis par l’association sont rémunérés, cette facture de prestation de services implique que l’émetteur de la facture est l’employeur du personnel fourni. Les enseignants seront considérés comme des formateurs occasionnels et rémunérés comme tels (cf. question suivante).

Puis-je payer des activités d’enseignement (cours, ateliers, stages) sous forme de cachets ?

C’est impossible pour deux raisons :

– l’utilisation du paiement en cachet est réservé aux activités artistiques du spectacle (on ne peut plus payer un technicien au cachet depuis janvier 99) ;

– les activités d’enseignement ne sont pas considérées comme relevant du spectacle.

La « présomption de salariat » ne jouant pas ici, vous pouvez rémunérer les intervenants soit sous forme de salaire, soit en honoraires en respectant les conditions suivantes :

  • Salaire

L’employeur doit cotiser selon le régime général et non selon celui du spectacle et déclarer les intervenants en tant que formateurs occasionnels. Cette distinction est importante car les taux d’appel des cotisations du spectacle étant plus faibles que ceux du régime général, en cas de contrôle, vous seriez redressés sur la différence avec le régime général. Les contrôleurs de l’Urssaf sont impitoyables dans ce domaine. Les activités dites de « sensibilisation » relèvent de la même catégorie.
Attention : si vous êtes amenés à embaucher dans une même période les mêmes personnes pour des activités de nature différente (artistique, enseignement), il convient de décrire très précisément ces différentes activités dans le contrat ou la convention et de différencier les bulletins de salaire.

  • Honoraires

Toute personne émettant une note d’honoraires doit être immatriculée à l’Urssaf comme travailleur indépendant même si les activités concernées ne sont qu’accessoires. Il convient de préciser, si c’est le cas, qu’il s’agit d’activités secondaires. Les honoraires se déclarent en bénéfices non commerciaux. En deçà de 29 000 euros, vous pouvez profiter du régime déclaratif spécial. Dans ce cas, la note d’honoraires doit porter la mention obligatoire « TVA non applicable, article 293 B du CGI ».

Attention : vous êtes tenus de vérifier la présence du numéro de Siret de l’émetteur qui doit obligatoirement figurer sur la note d’honoraires. Contrairement aux idées reçues, les cotisations sociales sur les notes d’honoraires sont dues au premier euro. En cas de contrôle par l’Urssaf et si l’émetteur de la note d’honoraires n’est pas immatriculé, les sommes ainsi versées seront requalifiées en salaires et le redressement à la charge de la personne physique ou morale qui les aura réglées.
D’autre part, le paiement en honoraires n’est pas possible pour les structures relevant du champ d’application de la convention collective de l’animation socioculturelle.

Puis-je être salarié comme artiste du spectacle alors que j’exerce une autre profession ?


Sans aucun problème si aucune clause de votre contrat de travail ne vous interdit d’exercer une profession accessoire. Les fonctionnaires ont le droit d’exercer des activités annexes lorsqu’elles sont d’ordre culturel ou artistique. Par contre, la cotisation salariale de retraite complémentaire n’est pas à verser pour ces personnes, seule la cotisation patronale est due.
Attention : les règles liées au cumul d’emplois de l’Education nationale obligent ses personnels à demander l’autorisation préalable de leur hiérarchie pour toute activité culturelle et artistique.

À quoi cela me sert-il d’être déclaré alors que je suis amateur et déjà couvert ?


En étant déclaré, vous exercez vos activités artistiques en toute légalité. Vous protégez ainsi l’organisateur contre les conséquences d’un contrôle ou d’un accident. Toutes les cotisations que vous versez ne sont pas perdues : votre bulletin de salaire vous ouvre des points retraite (sécurité sociale et retraite complémentaire) et vous pouvez toucher chaque année les congés payés liés à ces activités sous forme de virement bancaire lorsqu’ils sont réglés au moyen des bordereaux Congés spectacles.



Un groupe doit-il être en association ?


Ce n’est absolument pas nécessaire.

Un groupe de musique est une « association de fait » et n’a en rien obligation à se constituer en structure juridique.

C’est même déconseillé pour un groupe professionnel qui préfère disposer d’une structure distincte du groupe et gérant les activités de production et de diffusion.

Attention : seuls les groupements d’artistes amateurs bénévoles faisant occasionnellement appel à un ou plusieurs artistes du spectacle percevant une rémunération (loi n°99-198 du 18 mars 1999) sont dispensés de la possession d’une licence dans la limite de six représentations par an.

Les démarches pour déclarer les artistes sont compliquées. Comment faire pour être en règle quand on ne sait pas ou que l’on n’a pas le temps de les effectuer ?


La solution la plus simple et la moins onéreuse consiste à utiliser les services du Guichet unique. Cet organisme permet aux organisateurs de spectacles vivants dont ce n’est pas l’activité principale (bars, maisons de retraite…) d’effectuer toutes les démarches nécessaires à l’embauche d’artistes et de techniciens du spectacle vivant. Un formulaire unique et valant contrat de travail, le carnet Guichet unique, permet de régler en une seule fois et à un seul interlocuteur toutes les cotisations sociales (Urssaf, Congés spectacles, Audiens, Assedic, Afdas, Médecine du travail). L’adhésion est gratuite et assure une sécurité totale dans les déclarations et les paiements. Une assistance téléphonique (n°Azur : 0810 863 342) permet de connaître directement le montant à verser et les démarches à effectuer ainsi que tout renseignement complémentaire.

On peut aussi utiliser les services d’un prestataire de services spécialisé dans ce secteur.
Il effectuera la rédaction des contrats et assurera, pour l’employeur, l’établissement des bulletins de salaire et le règlement des cotisations sociales. Il peut intervenir pour tous les types d’employeurs (occasionnels ou non). Bien sûr ces services sont payants selon des systèmes variant selon les prestataires (forfait ou pourcentage) et nécessitent souvent une cotisation annuelle.

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Retrouvez cette fiche pratique sous version .pdf sur le site de l‘Irma.

Bibliographie :
HALBA Bénédicte, Bénévolat et volontariat en France et dans le monde, Paris, La Documentation française, 2003.
Irma, CNT, CND, HorsLesMurs, La place du bénévole et des pratiques amateurs dans le spectacle vivant, Journée d’information des centres de ressources du spectacle vivant, théâtre du Vieux Colombier, Paris, 8 décembre 2003 (disponible dans notre bibliothèque virtuelle : www.irma.asso.fr).
Cité de la musique, Musiques, apprendre / pratiquer, Paris, Cité de la musique éditions, 2003.

Lien utile :
Associations mode d’emploi : www.associationmodeemploi.fr

Illustration photo: “We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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