Oui on peut gagner de l’argent avec sa musique: Cas n°2 Cyril Paulus, licence globale à lui tout seul

J’entends déjà les cris d’orfraies. “Quoi, mais Cyril Paulus, il a fait des choses, c’est un mec de major”. Alors non. Pas du tout.

Qui est Cyril Paulus? Chanteur compositeur, ayant sorti un album chez Sony en 2006, et remercié par sa maison de disque en Février 2009. .

Après 2 mois à se demander ce qu’il allait pouvoir faire de sa peau, il a eu une idée pour lui permettre de se remettre en selle.  Le postulat de base était qu’il voulait faire son album mais qu’il n’avait aucune envie de re-signer un contrat avec une maison de disque (Sony était la troisième) (et la troisième qui ne le poussait pas)

Il ne voyait aucune raison (autre que mystique) qui aurait pu faire que ce nouvel album marche mieux que le précédent alors que les rayons disques des supermarchés n’abritaient plus que les 10 premiers du top, que ses amis proches “n’achetaient” presque plus de disques, et qu’allumer des cierges, ça devenait lassant.

Il a donc décidé de lancer une plate forme sur abonnement, avec pour objectif d’offrir aux abonnés le nouvel album tous ses anciens titres en écoute illimitée, ses nouveaux titres au fur et à mesure, et d’autres avantages comme des tarifs réduits sur les places de concerts, etc…

Pour ça il a dû se former à Final Cut pour la vidéo, investir dans de bonnes caméras, financer l’enregistrement de son album, se greffer une case “chef d’entreprise”, négocier avec sa banquiere, rationaliser chaque centime investi…

Pour être parfaitement honnête, si Sony ne lui avait pas rendu son contrat, il fera encore parti de ceux qui disent qu’internet tue la musique et il allumerait encore des cierges avec à l’oeil une larme d’incompris. Pour être parfaitement honnête (2), Cyril galère, trouve qu’il ne fait pas assez de musique, manque de bras et d’argent. Mais il s’accroche.

Cyril n’est pas riche. Cyril n’est pas connu. Cyril c’est aussi 12 ans de majors. Mais 12 ans de galère. Pour gagner sa vie, Cyril a écrit pour d’autres alors que les maisons de disques chez lesquelles il avait signées ne le poussaient pas. “Le Roi Soleil” a marché, ok, mais les droits Sacem ne durent qu’un temps…..Cyril a eu cette idée seul. Sans s’être jamais penché dessus. Et Cyril est un artiste dit “pop mainstream qui chante en français”. Ce n’est pas un indé, son style n’est pas une niche. Et ça, c’est c’est encore plus interessant.

Cyril Paulus : Des majors à son propre site

“Comme la plupart des aspirants chanteurs, j’ai commencé la musique très jeune. J’ai appris la guitare dans ma chambre en essayant de rejouer les riffs et les solos de mes guitaristes préférés, chanté mes premières compositions dans des petits groupes de collège et de lycée, et goûté aux joies de la scène jusqu’à obtenir une reconnaissance locale dans ma belle ville de Montpellier et ses environs.

Je me suis vite rendu compte que pour suivre les traces de mes idoles, je devais signer un contrat dans une maison de disque. J’ai donc décidé de “monter” à Paris pour tenter ma chance en 1996, et j’ai signé un contrat d’artiste avec BMG en Juin 1997.

1997-2009 Les années “Major» ou “qu’est ce que c’était qu’être un artiste en maison de disque dans les années 2000”


21 ans, je signe mon premier contrat : je suis persuadé que ma vie va changer et que je vais devenir une star du jour au lendemain. En fait, les choses vont se passer un peu différemment.


– 1997-1998 : BMG/Vogue ou “Les aléas d’un jeune artiste signé en Major qui ne décolle pas tout de suite”

Fraîchement signé, je pars enregistrer mon album dans des conditions luxueuses avec des musiciens exceptionnels dans les mythiques studios I.C.P. En rentrant le patron de mon label écoute l’album. Pas convaincu, il me fait faire un autre essai sur un single, sans résultat. Peu de temps après, il quitte le label. Son remplaçant me dit, au bout de quelques mois, qu’il “ne trouve pas les clefs de mon univers”. Jolie image pour me dire “tu peux partir”. Me voilà en quête d’un nouveau serrurier.

– 1998-2004 : Warner/WEA ou La valse des D.A

Je passe successivement dans les mains de 3 directeurs artistiques, 3 chefs de produits, 3 patrons de labels, et pour finir survient le décès accidentel du P.D.G qui croyait en moi.

Résultat : mon single “C’est pour la vie” passe bien en radio, le clip est élu “clip des clips” sur M6 mais aucun disque n’est commercialisé et je commence à composer des chansons pour d’autres artistes.

Ironie du sort : Warner me rend mon contrat en 2004 et lance dans la foulée “Etre à la hauteur” un titre que j’ai composé pour la comédie musicale “Le Roi Soleil”. Me voilà chanteur frustré mais mélodiste reconnu.

– 2004-2005 : Je m’efface et me mets au service des autres

Anggun, Thierry Amiel, Roch Voisine… Les sollicitations de collaborations ne manquent pas. Je suis flatté et je découvre le succès. Néanmoins, cette réussite ” dans l’ombre des autres” n’entame pas ma volonté première et mon désir d’être chanteur reste inassouvi. Compositeur en vogue, je repars alors en quête d’un contrat d’artiste.

– 2006-2008 Sony/Columbia : (Enfin) un album, des récompenses, un “succès d’estime”

Fin 2005, je signe chez Columbia/Sony. Mon rêve se concrétise: je pars à Londres enregistrer avec un réalisateur de renom (Martin Terefe) et mon album “Banquise” est lancé en octobre 2006. Mes chansons passent à la radio, mes clips tournent en télé, je reçois le trophée W9 “Jeune talent de l’année 2007”, je fais les premières parties de la tournée d’Obispo puis ma propre tournée. Près de 40 concerts et 15000 exemplaires vendus, c’est ce que l’on appelle un “succès d’estime”. Cependant ce n’est pas suffisant : en février 2009 à l’heure où la crise du disque fait des ravages, Sony ne renouvelle pas mon contrat. Problème: j’ai déjà les 10 chansons de mon nouvel album qui ne demande qu’à être enregistré et que mes fans ne demandent qu’à écouter. N’ayant aucune envie de refaire le tour des maisons de disques, je décide d’utiliser l’argent reçu de Sony à titre de dédommagement pour aller jusqu’au bout et lancer mon projet en indépendant.


2009-2010 : L’indépendance, le “CP Club” : ma “licence globale” à moi tout seul.


– Une équation complexe : une solution à inventer

Comment proposer mon nouvel album et ceux qui ne sont jamais sortis + entretenir une relation privilégiée avec mes fans + utiliser au mieux internet + en vivre en pleine crise du disque et malgré le piratage = La nécessité d’innover

J’ai alors l’idée du CP Club. Le principe est simple. Je ne vais pas vendre mon album, mais une “licence globale” moyennant un abonnement sur mon site.

Pour développer ce projet, j’arrive à intéresser, à fédérer des personnalités compétentes, à réunir une équipe autour de moi. L’idée plaît, l’aventure motive. Je suis indépendant mais bien entouré !

Le concept se précise : en échange de cette souscription, les abonnés auront accès au nouvel album (en 24bits, merci internet…), mais aussi à tous mes anciens titres et aux nouveaux au fur et à mesure, et d’autres avantages, comme une webtv avec des émissions spéciales 2 fois par mois, une messagerie vidéo pour qu’ils puissent se filmer et envoyer des messages, à moi ou à la communauté et par la suite, des tarifs réduits sur les places de concerts…

D.I.Y oblige, je m’implique dans tous les aspects du projet : je me greffe une case chef d’entreprise, je me forme à Final Cut pour la vidéo, j’investis dans de bonnes caméras, je finance l’enregistrement de mon album, tout en rationalisant chaque centime dépensé.

Pari réussi. Mon nouvel album “Une Histoire ordinaire” est disponible sur le nouveau site www.cyrilpaulus.com qui propose 3 formules d’abonnement : 1 mois, 6 mois, et 12 mois, celui d’un mois coûte 6,99€ (ce qui revient à dire que rien que pour l’album, c’est 30% moins cher que sur les itunes et autres).

Aujourd’hui, nous sommes une dizaine à travailler sur ce projet (NDLR: BENEVOLAT!) et chacun s’épanouit dans son domaine. Soutenu et encouragé, je retrouve du sens à cette envie d’être chanteur et musicien. Je suis plus heureux aujourd’hui quand un fan décide de renouveler son abonnement que quand je vendais 100 disques à la Fnac de Pau en 2007.

– Alors, qu’est ce que c’est qu’être un artiste indépendant sur le net en 2010 ?


Être un artiste indépendant sur le net, c’est avoir comme public potentiel le monde entier et un espace d’expression virtuellement illimité. C’est s’offrir une liberté de création totale et la possibilité de concevoir, réaliser et publier ses idées quasi-instantanément. C’est pouvoir faire participer ses fans à la conception de contenus et leur proposer des nouveautés plus souvent. C’est sortir d’un modèle économique vieillissant et pouvoir proposer une alternative.

Cependant, être un artiste indépendant sur le net, c’est aussi être noyé au milieu de millions d’autres artistes et devoir réussir à se faire remarquer en restant fidèle à ce que l’on est.

C’est aussi pour moi devoir le faire avec des moyens limités, ce qui demande beaucoup de temps, d’énergie et de persévérance.

C’est aussi réussir à convaincre les usagers de payer pour quelque chose qu’ils ont prit l’habitude de consommer gratuitement. C’est ne pas se limiter à son seul job d’artiste et être capable de presque tout faire soi-même.

Vous pouvez retrouver Cyril Paulus sur www.cyrilpaulus.com

Illustration photo: “We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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