Cas n°3 “Oui on peut gagner de l’argent avec sa musique”: Tahiti 80 qui créé son propre label

Agnés Bayou, la fantastique rédactrice en chef du Transistor, a interviewé Tahiti 80 , qui revient avec un nouvel album, produit par leur propre label. Leur label à eux. Qu’ils ont monté pour pouvoir faire de la musique comme ils le voulaient.  Un autre exemple de comment faire de la musique autrement.

Tahiti 80 revient avec un nouvel album, The Past, The Present and The Possible. C’est le premier album à paraître sur le label Human Sounds, monté par le groupe lui-même. Le Transistor est parti faire le point sur l’industrie de la musique avec Xavier Boyer, au café de l’industrie. Coïncidence ? Je ne crois pas…

Avant de se lancer dans ce nouvel album, Tahiti 80 s’est concentré ce que signifiait faire de la musique aujourd’hui. « On peut dire que l’industrie du disque est en crise depuis plusieurs années, les artistes vendent un tiers de ce qu’ils vendaient auparavant,

on nous a fait croire que les concerts étaient le nouveau moyen de faire des bénéfices mais en fait on s’aperçoit que ce qui marche c’est Bon Jovi, Jay-z ou Bruce Springsteen, donc que des artistes établis.

Mais d’un côté, la musique a jamais été aussi présente, on parle de téléchargement de musique, mais tous les labels en offrent aux blogs pour faire parler d’eux. A côté de ça, tout le monde peut faire de la musique sur son iphone, sur son ordinateur. »

Pour Xavier, sortir un album n’est plus anodin.« Quand nous on est entré en studio, on avait cette problématique là :

on peut plus faire un disque pour la beauté du geste. Il faut quand même se positionner, avoir quelque chose à dire, avoir cette prétention de vouloir faire avancer le débat.

L’idée c’est pas de faire le nouveau Sergent Pepper mais y’avait une volonté de pas faire un disque juste parce qu’on a une facilité : on voulait quand même essayer de faire un disque ambitieux avec un vrai contenu musical.»

Chez Tahiti 80, les paroles sont aussi importantes que la musique. « On veut aussi essayer de dire des choses intéressantes… Les groupes qui chantent en anglais donc mettent n’importe quoi dans leurs paroles sous prétexte que les gens les comprennent pas, ça nous intéresse pas.

Il faut pas non plus prendre tout ça trop au sérieux,

mais faut se rendre compte que d’être musicien et de sortir des disques, même si ça c’est vachement banalisé, il faut au contraire essayer d’être à la hauteur. »

En ce qui concerne le son, Tahiti 80 est parti explorer le confluents des influences. « On a essayé de provoquer des mélanges entre différents styles et de trouver un juste milieu pour que le résultat soit assez homogène. L’idée était de refaire des ponts, des interconnexions entre cette musique électronique un peu festive, et ce côté un peu plus cérébral, le côté chanson. Cette volonté est venue à la suite de la dernière tournée, après les concerts on allait mixer en boîte, et donc on s’est vachement reconnectés à toute une scène electronica : on repassait des disques qu’on avait pas écoutés depuis pas mal d’années. Et quand on a voulu faire le disque, on a essayé de reproposer un mélange de ces deux mondes là qui sont parfois un peu opposés. »

Xavier accepte de se pencher sur la chanson la plus sombre de l’album, celle qui a donné son titre à l’album : The Past, The Present & the Possible. « Je sais pas si c’est en vieillissant… Y’a un rapport qui se fait naturellement à la mortalité, au fait de vieillir… et donc des histoires me sont revenues de l’enfance. Je me souviens, j’avais un copain dont le père était convoyeur de fond et dont le père s’était fait braquer et s’était pris une balle à moitié en pleine tête, et à l’époque on était plutôt à fuir ce gars-là parce que c’était vachement violent, et on voyait un peu le copain se sentait pas super bien, parce que son père avait perdu la tête, normal après une expérience comme celle-là. »

Sur cet album, ils parlent de sujets qu’ils n’auraient peut-être pas abordés avant. « C’était une envie de retranscrire cette histoire, de se projeter quinze-vingt ans en arrière, et d’essayer, pas de résoudre mais d’explorer ce côté un peu plus trash, un peu plus triste, qui a toujours été là, mais qu’on a voulu ici mettre en avant. Ce ressenti, avec un peu cette mélancolie, cette nostalgie… »

Tahiti 80 renvoie aux pilliers du post-modernisme. « La référence à The Past, The Present and the Possible est venue bien après, mais ça représente ce qu’on essaye de faire : y’a un rapport au passé parce qu’on a une certaine tradition d’écriture, le présent d’être ouvert à toutes les influences qui nous entourent, et le possible parce que c’est la somme de ces deux aspects. Et comme la chanson est en trois parties… Et puis j’ai trouvé ça rigolo qu’on dise pas le titre de la chanson dans le morceau, qu’on joue avec ces codes de musiciens en quelques sortes… »

Au cours de sa carrière, le groupe s’est retrouvé à travailler avec plusieurs labels… « On a signé avec Atmosphériques qui a été distribué par Sony à un moment, puis par Universal.

Nous on était sur un label indépendant, qui au gré des affaires s’est fait racheter, voire même à un moment, morceler…

On avait un contrat, donc c’était rigolo parce que quand Atmosphérique (qui est reparti maintenant sur des nouvelles bases justement indés) a été fermé, on a été vraiment, basculés, comme un transfert pour un joueur de foot, et on a atterri chez Barclay. »

Le résultat a été la naissance de leur label, Human Sounds. « On s’est dit que fonder notre label semblait être la meilleure solution pour maîtriser tout de A à Z, s’auto-déterminer, établir une sorte d’autarcie : on a un studio, on a une certaine expérience… on a franchi le pas, mais on l’a mûrement réfléchi au fil des albums. »

Cette nouvelle configuration présente des avantages et des inconvénients. « Avant on choisissait les chansons et quelques collaborateurs, et maintenant, tu peux élargir, l’attaché de presse, le tourneur, le réalisateur de tes clips parce que t’as un contact direct avec lui, ça te permet d’être plus créatif… si on a envie de sortir une chanson pour la St Valentin -chose qu’on ne fera pas-, on pourrait le faire, y’a une flexibilité.

Maintenant faut pas se voiler la face, c’est beaucoup plus de travail et de pression.

Y’a des moments où on préfèrerait écrire des chansons que de gérer certains aspects, mais ça fait partie du jeu pour durer. »

Et qui dit autarcie, dit production gérée en interne. « Au départ, la réalisation du disque, c’est Pedro et moi, on gère les aspects sonores du groupe, après on a fait appel à des personnes extérieures comme Tore Johansson, un mec avec qui on avait bossé pour le premier album, et qui avait mixé Franz Ferdinand.

On a essayé de recentrer sur une certaine famille Tahiti pour que ce premier album de notre nouvelle maison de disque se passe de manière fluide, pour qu’on ait pas à gérer des clash de personnalité avec de nouveaux collaborateurs.

Au final, c’est nous qui sommes à l’origine de 80% des intentions ou choix de l’album. Mais c’est bien aussi de laisser une oreille extérieure, sinon on devient un peu fou. »

Le jour de la sortie de son EP Darlin (Adam & Eve Song), Xavier confie qu’il achète toujours ses disques. « J’ai acheté notre EP, j’ai acheté tous nos disques dans le commerce, juste pour voir ce que ça fait. Pour l’avoir dans les mains. Mais c’est marrant, un EP à 2,99€. En même temps c’est juste des remix… Ca reste cher, mais… » En même temps, il y a un remix de Arandel dessus, donc ça vaut le détour .

Illustration photo: “We want more”

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About Agnes Bayou

Agnes Bayou n'est ni plus ni moins que la redactrice en chef du Transistor (www.leTransistor.com), magazine musical en ligne. Au travers de sessions musicales, d’entretiens et de portraits d’artistes, de comptes-rendus de concerts appuyés de photos live, de chroniques d’album et de dossiers sur l’industrie musicale et ses diverses facettes, Le Transistor souhaite replacer la musique dans son contexte social et plus général.

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