“Un artiste qui veut se lancer ne doit pas chercher à tout prix une signature” Christian Bordarier, DA

Christian Bordarier a été le Directeur Artistique de Wagram Music pendant plusieurs années. Il a déniché, construit, développé, lancé des centaines de carrières d’artistes. Il est maintenant consultant indépendant en développement de carrière.

Christian est un DA dit à l’ancienne. Il ne peut concevoir une carrière d’artiste que sur le long terme…De nos discussions passionnées sur le sujet, il a répondu à quelques questions….Bien entendu, nous développerons sur le site, plus en détail, toutes les thématiques abordées au fur et à mesure.

Tu as été Directeur Artistique (DA) pendant des années pour un des plus gros labels indés. Alors justement, c’est quoi un directeur artistique?

Le rôle d’un directeur artistique est de chercher par tous les moyens, via internet, les maquettes, les démos, les concerts, le réseau professionnel et les rencontres, des artistes, des groupes, ayant un profil intéressant, une originalité, le petit quelque chose en plus, qui fait dire : « celui là ça peut le faire». Une fois découvert, reste encore à trouver les mots et les conditions pour le signer.

Ensuite, il faut favoriser les rencontres pour l’aider à mettre au point sa création, le mettre en contact avec les personnes qu’il faut, toutes les personnes susceptibles de l’aider si besoin, dans la réalisation et la conception d’un album (auteur, compositeur, studio, musicien, réalisateur, arrangeur, etc.…).

On dit beaucoup que les maisons de disques, et les majors en particulier, ne signent plus de nouveaux talents et ne font rien en développement, vérité ou mythe?

Ce qu’il faut savoir c’est que 80% des signatures de nouveaux talents sont faites par des labels indépendants (toutes tailles confondues) et 20 % par les majors,

alors oui les majors prennent peu de risques avec les nouveaux talents,

mais ce n’est pas le cas des Indépendants.

On dit aussi beaucoup qu’il n’y a plus de “talent scout”, c’est à dire de dénicheurs de talents, de gens qui tournent partout pour aller écouter de nouveaux groupes. Ne crois tu pas que cela fait partie intégrante de la fonction de DA?

Pour ma part, et nous sommes peu nombreux dans ce cas, je tourne beaucoup, je me déplace pour écouter et voir sur scène des inconnus, je vais dans les festivals, partout où je peux. OUI, je pense que ça fait partie de la fonction de directeur artistique.

Il est vrai que la position des majors est plutôt d’attendre que les gens viennent à eux, ils ont moins ce souci d’aller à la pêche, leur poids dans l’industrie du disque leur permet de travailler de cette façon là.

Il n’en est pas de même pour les labels indépendants, nous sommes moins courus sur le marché.

N’ a t’on pas tendance à uniformiser la direction artistique? A prendre moins de risques, à ne signer que sur du court terme?

Dans une major, on a tendance à uniformiser et rationnaliser la direction artistique, il faut que ça rapporte, et le travail est plus segmenté, plusieurs personnes vont se partager les tâches.

C’est moins vrai dans un label indépendant, parce que le directeur artistique a une vision plus globale et s’occupe de tous les aspects d’une production d’artiste, de la rencontre à la sortie du disque.

Les investissements marketing représentent un budget considérable, souvent très important, ce qui peut avoir une influence sur le développement d’un artiste sur un court-moyen terme, au détriment du long terme.

Plus les budgets marketing sont lourds plus la demande de rentabilité financière d’un album sera haute, ce qui de fait impactera le développement à long terme.

Est ce que le digital a fondamentalement impacté et changé ta façon de travailler? Par exemple, as tu signé des groupes après les avoir vu seulement sur MySpace?

Myspace est juste un outil, qui n’a pas changé ma façon de travailler.

C’est un outil supplémentaire à une démo.

Je n’ai jamais signé un artiste ou un groupe après les avoir vu seulement sur internet. J’ai toujours besoin d’aller les voir en concert ou en show case, pour confirmer ou infirmer un premier jugement, et surtout le concert est une manière de rencontrer les artistes, de les voir, de discuter, ce qui est fondamental à mes yeux.

Comment envisages-tu l’avenir pour l’industrie du disque?

L’avenir de l’industrie du disque, à mon avis, va continuer à ce concentrer sur elle-même, c’est-à-dire fusion de majors, regroupement de gros indépendants (rationalisation des moyens techniques, des effectifs, des coûts) et une explosion de petites structures (moins de 10 personnes) et de micro labels (une personne).

Il n’y aura plus de structures intermédiaires, de maisons de disque de moyenne importance (entre 10 et 30 salariés).

Que conseillerais tu à un artiste qui veut se lancer ?

Je conseillerais à un artiste qui veut se lancer de ne pas chercher à tout prix une signature, c’est une perte de temps, d’énergie, de moyens.

Je lui conseillerais de travailler le contenu de son projet, en s’entourant de gens compétents pour le faire évoluer, en mettant en avant la scène, son image, de croire en ce qu’il fait, de ne pas perdre le contrôle de son talent.

Il vaut mieux qu’une maison de disque vienne le chercher que l’inverse.

Les maisons de disques sont inondées de démo, de liens internet. Faire un tri, un choix est de plus en plus compliqué.

La scène reste encore une valeur sûre, où un artiste peut se montrer et s’affirmer.

Illustration photo “We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

7 comments

C’est pas tout à fait le sujet, mais cette notion de “court terme” est particulièrement intéressante !
Et j’ai al sensation qu’elle touche tout le secteur (salle, etc) sans que personne ne l’avoue ou peut-être ne s’en rende compte !

super article j’aimerais vraiment avoir le mail de christian pour lui envoyer ma musiique et avoir son avis

Virginie Berger toujours au coeur des interrogations légitimes !

Mais où se procurer une liste valide des Labels et leur genre de prod?

Jacques

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