Mais pourquoi donc qu’Itunes qui ne paie d’impôts en France bénéficie de subventions gouvernementales?

monétisation soundcloud

Le principe de la carte musique est assez simple. Vous avez le droit à une carte par an. Vous mettez 5 euros et on vous crédite de 10 euros dans la limite de 50 Euros.

Bon, très bien, voilà de quoi motiver les jeunes à acheter de la musique. Nous en sommes tous convaincus. Oh là oui. Mais je me pose une autre question concernant Itunes.

Vous achetez votre carte musique sur Itunes. Dans l’idée vous souhaitez acheter de la musique. Cependant, avec votre crédit, vous pouvez acheter des applications qui n’ont rien à voir avec la musique…. à la limite passe encore.

Itunes est installé au Luxembourg pour des raisons fiscales. Comment explique t’on qu’une société qui ne paie pas ses impôts en France puisse être dans un tel projet?
Qui dit carte musique projet gouvernementale dit que mes impôts servent à financer une carte valable sur un site qui va bénéficier de subventions alors que cette même société ne paie pas ses impôts en France. Enfin si j’ai bien tout compris. Non?

Hier au téléphone avec Philippe Astor, j’évoque le sujet et je lui demande son avis. “Qu’en penses tu? Est ce que le problème a été soulevé? Quelles sont les réponses?”  Et Philippe me répond: “Mais tu sais, j’avais déjà évoqué le sujet en 2005”. Alors bien sûr pas le sujet de la carte musique jeune, mais le sujet des impôts, de la TVA, des changements de business model, de l’abonnement. Il me passe donc les liens de ses articles.  Qui bien qu’écrit il y a quelques années sont toujours aussi intéressants et éclairants…

Alors comme je ne peux pas répondre à ma question “Mais pourquoi donc qu’Itunes qui ne paie d’impôts en France beneficie de subventions gouvernementales” (bon, à part qu’Itunes c’est au moins 50% du marché en France et 70% dans le monde), j’ai donc demandé à Philippe si je pouvais publier ses articles, même s’ils ont quelques années. Car les questions sont toujours les mêmes…Les réflexions et projections aussi. Et on se rend compte qu’au final, pas grand chose a changé…Lisez ces articles, sans penser qu’ils ont été écrits en 2005. Et vous ne verrez même pas qu’ils ont été écrits en 2005…

Musique en ligne : un peu de justice fiscale en perspective

Publié le 25 Juillet 2005 par Philippe Astor sur zdnet

Apple pourrait perdre l’avantage de la TVA au rabais appliquée à toutes les ventes d’iTunes Music Store en Europe du fait de l’implantation de sa filiale iTMS Europe au Luxembourg, où le taux de TVA en vigueur est de 3%, contre 19,6 % en France.

La Commission européenne vient en effet de proposer une nouvelle règle du jeu en matière de TVA communautaire, qui imposerait à tous les services à distance offerts via Internet d’appliquer le taux de TVA en vigueur dans le pays du consommateur.

Si cette proposition se transforme en directive, qui serait applicable dès le 1er juillet 2006, Apple devra payer 19,6 % de TVA à l’Etat français (soit 19 cts) pour chaque chanson téléchargée sur iTMS France (Itunes Music Store France) au prix de 0,99 € l’unité, au lieu des 3 cts reversés actuellement au Luxembourg sur chaque vente – et que l’Etat français n’a aucun moyen de recouvrer pour l’instant.

L’objectif de la Commission est de simplifier la gestion de la TVA pour les services à distance en Europe, en associant à cette proposition de directive le projet de “One-stop-shop” actuellement en cours d’examen : un système de guichet unique qui permettrait aux entreprises de s’acquitter de leurs obligations en matière de TVA à l’égard de tous les pays membres auprès du seul Etat où elles sont enregistrées. En appliquant bien sûr les taux en vigueur dans chaque pays européen.

Avant la mise en place de ce guichet unique, la Commission a manifestement le souci d’éradiquer certaines “distorsions de concurrence” comme celles qui ont cours en France, où iTMS, leader du marché, vend de la musique en ligne en appliquant un taux de TVA de 3 %, quand ses concurrents Fnac Music ou Virginmega se voient taxés au taux de 19,6 %. L’impact sur les marges n’est pas le même. “Avec un moyenne pondérée des licences de l’ordre de 69 cts le titre, la part des labels a grimpé aujourd’hui à 70 % du prix de vente (contre 50 % avant l’arrivée d’Apple sur le marché, ndr), et la marge cumulée du distributeur et du détaillant en ligne est tombée à 2,2 %, soit environ 3 cts, ce qui est nettement insuffisant pour gagner de l’argent”, m’expliquait récemment Stanislas Hintzy, directeur général d’OD2-Loudeye France, dans le cadre d’une enquête réalisée pour Music Reporter.

Mais pour iTMS, qui applique un taux de TVA de 3 %, la marge réalisée sur la vente de musique en ligne frôle les 20 %, ce qui est quand même plus confortable. Le fait de perdre cet avantage concurrentiel indu va-t-il contraindre Apple à revoir sa politique de prix unique à 0,99 € le titre ? La firme à la pomme a déjà fait une entorse à son dogme en Angleterre, où elle vend ses titres à 0,79 livres l’unité (1,13 €). “Dans le monde physique, la part des labels est de l’ordre de 26 %, celle du distributeur de 27 % et celle du détaillant de12 %. Le reste couvre la TVA (19,6 %), la fabrication (9 %) et les droits de reproduction mécanique (6 %). […] Pour restaurer le même partage des revenus [sur Internet], il faudrait soit vendre les titres au prix de 1,89 € l’unité, soit baisser la marge du label à 49 cts”, me confiait encore Stanislas Hintzy. Baisser la marge des labels ? C’est une idée… Sauf que “les e-détaillants en profiteraient pour se lancer dans une guerre des prix qui ne profiterait qu’aux consommateurs”, craint Sophie Bramly, “patronne” de e-Compil et responsable de la mise en ligne du catalogue d’Universal Music France, que j’ai interrogée pour la même enquête.

La vraie solution, tout le monde en est conscient, serait de baisser le taux de TVA sur la musique enregistrée, quelque soit son mode de commercialisation. Ce n’est pas la Commission européenne qu’il faut convaincre, mais les ministres des finances des 25 pays membres, ceux-là même qui, en deux ans, ne sont pas parvenus à trouver un accord sur la TVA du disque, alors qu’il n’étaient que 15 à discuter.

Musique en ligne : vers un changement radical de modèle économique

Publié le 27 Juillet 2005 par Philippe Astor sur zdnet

Je reconnais que mon plaidoyer final en faveur d’une baisse de la TVA sur la musique enregistrée dans ma dernière note sur la “justice fiscale” en matière de musique en ligne (voir les commentaires qu’elle a suscités) est une chute d’article un peu courte (fatigue estivale ?).

Cela dit, je reste favorable à une baisse de la TVA sur le disque, avec engagement de la répercuter entièrement sur le prix de vente au consommateur.

D’autres produits culturels, comme le livre, bénéficient d’un taux de TVA réduit, et de nombreuses études estiment qu’une telle baisse serait compensée par l’augmentation des ventes et n’aurait qu’un impact marginal sur les rentrées fiscales de l’Etat. Cela dit, même si plusieurs ministres de la Culture français en ont fait leur cheval de bataille lors des dernières réunions de l’Ecofin (ministres des finances de l’UE), il y a peu de chance que cette réforme aboutisse à court terme, et encore moins pour qu’elle soit élargie aux ventes dématérialisées.

Un constat s’impose pourtant. La vente de musique en ligne n’est pas rentable pour les distributeurs eux-mêmes, à l’exception notable, peut-être, du principal promoteur du modèle de vente à l’unité, Apple, qui bénéficie d’un taux de TVA préférentiel en Europe, laquelle TVA rentre dans les caisses de l’Etat luxembourgeois et n’en sort pas, quelque soit le pays européen dans lequel la vente est réalisée.

Aussi, de ce point de vue, je trouve plutôt sain que la Commission européenne veuille rétablir un juste équilibre concurrentiel et une certaine justice fiscale. C’est tout le sens de l’expression “concurrence non faussée” qui figurait dans le traité constitutionnel européen, dont j’étais un farouche défenseur (lire ici et ici). Personnellement, je trouverais légitime que les labels fassent l’effort de baisser leur marge. Mais je ne doute pas qu’Apple et d’autres en profiteraient pour se lancer dans une guerre des prix qui, si elle bénéficierait au consommateur, laisserait de nombreux acteurs du marché incapables de s’aligner dans l’impasse.

Je ne plaide pas tant ici en faveur de Fnac Music ou Virgin Mega, qui peuvent supporter de vendre à perte sur le long terme, que des nombreux petits acteurs indépendants qui pourraient se lancer sur le marché, avec beaucoup d’idées novatrices en terme de services ou de communautés, mais qui ont toutes les peines du monde actuellement à définir un modèle économique viable.

Vulgairement, je dirais que le principal problème vient de ce que l’on reste “le c.. entre deux chaises”. Le P2P nous aura au moins enseigné une chose, c’est que le futur modèle économique de la musique enregistrée repose, dans l’absolu, sur un accès illimité du consommateur à l’ensemble du patrimoine de l’industrie musicale, selon des modalités variées que permettront de définir différents modèles économiques encore à inventer pour la plupart, dont le téléchargement à l’unité est certainement l’un des plus primaires. Il ne fait en effet que reproduire sur Internet un mode de transaction déjà existant en magasin, en y ajoutant une relative exhaustivité de l’offre, une plus grande souplesse dans le choix, et tous les avantages d’une vente à distance dématérialisée et immédiate.

Mais il n’y a rien de révolutionnaire dans le modèle économique d’iTMS en particulier (je ne parle pas d’Apple en général, ou du iPod). Sinon qu’il s’appuie sur des technologies (la compression audionumérique, Internet, etc.) qui, elles, révolutionnent les usages et le marché sans changer fondamentalement le mode de transaction.

Je trouve beaucoup plus révolutionnaire, en revanche, en tout cas pour la musique, le modèle de l’abonnement. Bien qu’il reste encore très anxiogène pour le consommateur, qui ne paie plus pour acquérir un bien, fut-il immatériel, mais pour accéder à un service. C’est le concept de “Music like water” développé par Gerd Leonard et David Kusek dans leur excellent ouvrage “The Future of Music”, paru aux Etats-Unis chez Berklee Press.

Dans un interview qu’il m’a accordé pour le magazine Tecknikart, Gerd Leonard me précisait récemment : “La musique devient transportable, mobile, un peu comme la radio, et l’important n’est pas de savoir si on la possède mais si tout le monde peut y accéder pour un forfait modique. C’est un concept de service public, comme pour la fourniture d’eau ou d’électricité. […] Regardez le modèle du service public audiovisuel dans certains pays européens, comme l’Allemagne ou l’Autriche [et la France, ndr] : c’est le concept de “media like water”, accepté par des millions de gens qui payent en moyenne 100 à 150 euros par an pour la fourniture libre et illimitée de programmes audiovisuels”.

Plutôt que de parler de “service public” (dont la connotation est beaucoup trop forte en France), je préfèrerais évoquer la notion de “commodité”, l’objectif étant d’ouvrir un robinet à musique dans chaque foyer.

“Au cours des années à venir, vous verrez apparaître toutes sortes de services de musique qui, pour un forfait mensuel, vous ouvriront l’accès à toute la musique, sur votre poste de télévision, votre ordinateur, votre mobile, etc., par l’intermédiaire d’un seul et même compte client”, poursuit Gerd Leonard. Paradoxalement, ce modèle de fourniture de musique tendra selon lui à rendre quaduque la question des DRM, ou à tout le moins, celle des protections contre la copie. “Dans ce contexte de ‘music like water’, peu importe que la musique soit protégée ou non, car personne n’essayera plus de contourner les protections, puisque tout le monde sera abonné”, estime-t-il. Gerd Leonard et David Kusek sont persuadés que ce modèle de l’abonnement va finir par s’imposer.

La vraie valeur ajoutée ne sera plus dans le produit ou la musique elle-même, mais dans l’expérience musicale que le consommateur tirera de l’accès à un service illimité, via différents systèmes de recommandation, de personnalisation, de radio interactive, de communauté, de partage de playlists, etc. Les majors du disque perdront de fait le contrôle de ce qui est distribué, et c’est ce qui pose le plus problème pour elles, estime Gerd Leonard, qui y voit une chance pour les artistes : “Le changement le plus important, c’est que la distribution ne sera plus un goulet d’étranglerment. Quand vous allez dans un magasin de disques aujourd’hui, vous ne trouvez rien au delà des 5000 premières références. Mais avec ce système, tout le monde sera présent en magasin. Le challenge sera de faire en sorte que les gens découvrent la musique que vous faites“. Les majors ne vont pas disparaître pour autant. “Elles vont s’éloigner de la distribution pour passer à un modèle basé dans une plus large mesure sur le marketing et la découverte de nouveaux talents. Mais je pense que dans les cinq ans à venir, les labels indépendants vont prendre le dessus et représenteront 50 % du marché”, prédit Gerd Leonard.

Pour l’industrie du disque, c’est un changement radical de modèle économique qui se profile. Il ne s’agira plus pour elle de toucher 0,69 € par titre vendu ou quelques euros de marge sur la vente d’un CD, mais de percevoir de l’ordre de 0,01 € sur chaque titre écouté.

Aux Etats-Unis, le service sur abonnement Rhapsody compte environ 500 000 abonnés qui écoutent en moyenne 250 titres par mois. RealNetworks reverse donc quelque chose comme 1,25 million de dollars aux ayant droit tous les mois, sur un chiffre d’affaires de près de 5 millions de dollars. Même avec une TVA à 19,6 %, sa marge opérationnelle est bien plus confortable qu’avec le téléchargement. Imaginons seulement que 45 % des foyers français (11 millions) soient abonnés à terme à un tel service (c’est le taux d’équipement des foyers français en lecteur de DVD). Avec un abonnement à 10 €, le chiffre d’affaires généré serait de l’ordre de 100 millions d’euros par mois et de 1,2 milliard par an (soit plus que le chiffre d’affaires des membres du SNEP l’an dernier), auxquels il faudrait rajouter les ventes de ringtones et de ringback tones sur les mobiles, ainsi que les ventes en téléchargement et les ventes physiques, qui cèderont certes le pas mais ne seront pas complètement cannibalisées pour autant.

De quoi rendre le sourire à bien des acteurs de la filière musicale…

Illustration photo “We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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