“Des blogs continuent de défricher les nouveautés et les artistes pas signés” (Itw)

Jean Sebastien Zanchi, journaliste chez Metro France, chroniqueur dans Le Grand Bain sur France Inter, contributeur chez Playlist Society est aussi derrière le blog Good Karma. On nous explique tout le temps qu’il faut “contacter et utiliser les blogueurs” pour démarrer et travailler sa visibilité. Mais ils en pensent quoi “les blogueurs”, terme fourre tout dans lequel on met tout, tous et tout le monde. Mais d’ailleurs, est ce que le mot “blog” veut encore dire quelque chose? Et c’est Jean-Sebastien qui met toute son expérience à notre disposition…

– Comment te définirais-tu? Un blogueur?

Pas du tout. J’ai comme l’impression que le terme ne veut plus dire grand-chose en 2012. Les personnes qui animent les blogs musicaux ont des profils tellement divers qu’il serait réducteur de les mettre dans un même panier. De plus, ils ont tendance à se regrouper de plus en plus sur des plateformes de publication commune. C’est ce que j’ai fais en rejoignant l’équipe de Playlist Society.

– Comment décides tu de publier sur un artiste? Coup de coeur ou parce qu’on te le demande?

Clairement par coup de coeur. J’ai même tellement l’esprit de contradiction que j’ai encore moins envie de publier sur un artiste parce qu’on me le demande. Il y a aussi vraiment une question de temps. Activité professionnelles obligent, j’en ai de moins en moins à consacrer à l’écriture musicale. Donc je me penche seulement sur un artiste, quand je trouve son oeuvre inspirante.

– Justement, je suppose que tu dois recevoir beaucoup de demandes. En tiens tu compte?

Rarement. Quand je le fais, c’est qu’elles viennent de personne en qui j’ai une entière confiance dans leurs goûts musicaux.

Il n’y a pas très longtemps, lors du New Music Seminar à New York, j’ai pu entendre les points de vue de Pitchfork qui disait que les maisons de disques avaient vraiment tué les blogs en les positionnant comme des stars, en les couvrant de cadeaux, en les invitant partout, juste pour avoir de bons retours. Et en contrepartie, la critique n’est plus acceptée, qu’en penses-tu?

J’ai l’impression que cette tendance est désormais terminé (en tout cas en France pour ce que j’en connais). Mais effectivement il y a quelques années (de 2008 à 2010 en gros), les labels communiquaient énormément envers les blogs, jusqu’à les starifier un peu trop étant donné leurs faibles audience et influence. C’était à un moment où les maisons de disques commençaient à comprendre l’importance du communautaire dans leur communication. Elles ont donc misé beaucoup sur les blogs, voire un peu trop. Depuis j’ai l’impression que le curseur est revenu vers quelque chose de plus équilibré. Faut pas non plus en vouloir aux labels, c’était une tendance nouvelle, faut bien expérimenter pour savoir vraiment si tout cela est viable. (NDLR: L’affaire Drake/Universal Universal vs Henry Adaso est tombé pendant l’été. Universal invoquerait le DMCA pour demander le retrait d’une critique négative sur Drake)

– A contrario, un patron de label indé appelle “certains” blogueurs des “blogounets” et me racontait que certains ne se gênaient pas pour demander vinyle ou coffret pour bien vouloir chroniquer (NDLR : je l’ai eu ça aussi recemment pour une sortie d’album: “un vinyle” me demandait-on pour chroniquer..). Est ce que ces demandes « d’échanges marchandises » est quelque chose que tu as remarqué aussi dans la sphère blogosphérique musique actuelle?

Jamais rien vu de pareil. Mais je ne me base là que sur mon expérience personnelle.

– Je sais que vous êtes beaucoup à vous être réunis au sein de PLS pour justement continuer à faire vivre cet esprit critique. L’esprit des blogs existent ils vraiment encore?

Je ne crois pas. On avait fédéré beaucoup de blogs durant trois ans autour du Top des Blogueurs. C’était avant tout une histoire de potes qui se regroupaient pour mettre au point un classement des meilleurs albums de l’année. Puis le succès grandissant on est devenu de plus en plus nombreux à y participer, jusqu’à ne plus connaître personne. On a préféré arrêter plutôt que se dire que le classement obtenu ne représenterait plus grand-chose. Benjamin Fogel a eu la bonne idée de proposer à ceux avec qui il avait le plus d’affinités de le rejoindre sur Playlist Society. Au final on abouti plus à une revue culturelle en ligne qu’à une agrégateur de blog. On a une ligne édito, un planning, des exigences de qualité. J’ai l’impression qu’on est plus près du fonctionnement d’une rédaction que de celui d’un blog.

– Au final, ne sommes nous pas arrivés dans les blogs à ce qu’est Internet…la longue traine est un mythe, et on va sur les blogs les plus costauds,s ans plus même prêter attention aux autres…?

Oui, mais je crois que ça a toujours été le cas. On a surexposé les blogs à un moment, alors qu’ils ne réalisaient que très peu d’audience. Je ne suis pas sûr qu’un artiste ait explosé ses ventes parce que plusieurs blogs en parlaient. En revanche, il y a un côté intéressant pour certains artistes en développement. Le bel exemple qui me vient en tête est celui de Lily Wood And The Prick qui ont vraiment été mis en avant d’abord sur les blogs, avant même de produire leur premier EP, et qui ont explosé ensuite. Faut reconnaître que l’agence qui s’en occupait à l’époque avait bien compris à quoi pouvait servir la blogosphère.

– Alors comment peut faire un artiste indé, sans RP pour lui ouvrir les portes, pour aller taper à la bonne porte au milieu de tout ça? Un artiste tout seul a t’il ses chances ?

C’est compliqué. C’est certain que sans aucun soutien promotionnel, c’est difficile de faire son trou. Mais des blogs continuent encore de défricher les nouveautés et les artistes pas encore signés. Il y a beaucoup de sollicitation, mais ça vaut toujours le coup d’aller présenter son boulot à un blog. De toute manière, si l’artiste ne le fait pas, il ne se passera rien pour lui, donc autant aller de l’avant et démarcher les sites, même si c’est fastidieux, tellement la blogosphère est éclatée et disparate.

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

4 comments

je pense que les blogs musicaux ont encore un sens à l’heure actuelle
bien sûr il y a eu quelques excès
en tout cas je compare beaucoup les blogs aux fanzines
certains fanzines sont parfois devenu des titres de presse (exemple qui me vient en tête: Magic)
comme les fanzines les blogs ont un coté amateur
qui dit amateur dit que c’est pas toujours bien écrit ou cadré que le rythme de parution est pas très régulier mais je pense que le coté amateur préserve aussi une certaine innocence dans la démarche

la plupart des blogs musicaux que je consulte sont tenus par des vrais passionnés, pas des gens qui recopient les dossiers de presse ou postent des vidéos pour publier plus de choses
je ne dis pas que les bons webzines font ça, bien au contraire, mais on peut trouver pas mal de gens par ailleurs sur le net pour le faire

j’aime cette idée que l’on puisse connaitre les goûts de la personne qui tient le blog en le lisant et ainsi on peut trouver des gens avec une sensibilité proche et du coup la qualité de l’information sera bien plus adaptée que sur un gros site généraliste

en tout cas dans mon blog roll j’ai une dizaine de blogs que je consulte régulièrement
et concernant l’envoie des disques , en presse écrite j’en ai envoyé et j’ai pas eu souvent des retours à l’exception, et je les remercie de Magic et RnF
(et Shindig en Angleterre)

Le problème est qu’en 2012 beaucoup de blogs sont devenus des agrégateurs de contenu plutôt que des critiques, ca poste tout ce qui lui passe par le flux…

L’intérêt de suivre des blogs (musicaux dans ce cas ci) était aussi de découvrir les goûts de quelqu’un, ou de trouver des blogs avec des goûts similaires aux nôtres…
Désormais ca continue à parler de niches musicales, mais plutôt à la manière Google Alert “nom de la niche”.
Je ne généralise pas évidemment mais beaucoup de blogs que je suivais sont devenus comme ca ces dernières années.

Maxime je suis assez de ton avis en général, il y a un peu cette course à l’échalotte du premier à relayer une information mais il y a encore des blogs “fait mains” après je sais pas si en musique électronique c’est pareil que dans le genre de musique que j’écoute (garage, indie-pop) mais j’ai une dizaine de blogs que je consulte régulièrement avec un vrai contenu personnel

en passant tu dois connaître mon frère (Hybu) et jette un coup d’oeil à notre blog commun héhé

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