Tribune de musiciens contre le Centre National de la Musique (CNM)

Aujourd’hui, j’ai eu envie de re-publier une lettre ouverte de musiciens contre le CNM postée sur un site ouvertement contre le CNM http://cnm-contrenousmusiciens.blogspot.fr/. Non pas que je sois particulièrement pour ou contre le CNM. En fait, je n’ai même pas d’opinion car je n’arrive pas à comprendre le bon (ou le moins bon pour les contres) dans cette création. A chaque fois que je pose la question, on m’assène sans autre explication”Oui mais tu comprends, si la filière n’a pas le CNM, c’est la fin” ou “On s’en mordra les doigts toute notre vie si on n’y arrive pas..”. Je suis à l’écoute de toutes les argumentations, mais je dois avouer ne pas trop comprendre la précipitation… Concrètement, quand on regarde cela de l’exterieur et non pas comme un professionnel de la profession, on ne comprend pas forcément…

Et puis, est-ce au CNM de “sauver” la filière? N’y a t’il pas aussi des remises en question à faire, des évolutions, des remises à plat juridiques, financieres, contractuelles, relationnelles? ça peut être fait avec le CNM bien sûr mais le sentiment que j’ai, c’est que le CNM apparait un peu comme le héros providentiel, mais surtout  l’arbre aussi qui cache la forêt qu’on veut surtout pas tailler….

Ensuite, moi je ne suis qu’une pauvre petite alternative qui tente de travailler différemment. DBTH est une petite agence en stratégie et développement qui accompagne les artistes, industries culturelles et technologies émergentes. Nous proposons une alternative au modèle économique de l’industrie du disque actuel en développant des services spécifiques dédiés aux artistes entrepreneurs et leur entourage. Nous offrons aussi des solutions en termes de distribution, marketing, promotion traditionnelle et web tout en permettant aux artistes de conserver leurs droits. Donc je ne sais pas bien à qui j’appartiens. La filière musicale? mouaih. La filière technologique? mouaih. Entre les deux certainement, mais nous sommes inexistants pour tout le monde. Surtout ne pas nous voir. Sans compter qu’on se considère travailler de manière différente, à côté, avec, en association avec la filière traditionnelle mais pas contre les uns ou les autres…La filière évolue, les intervenants évoluent..

Je ne suis pas forcément d’accord avec les arguments de cette tribune, mais ce qui m’interesse ici, c’est qu’il s’agit de la voix d’artistes ou de musiciens, que malheureusement, on entend trop peu. En effet, qui porte vraiment la voix de l’artiste?  J’ai décidé de le publier lorsque j’ai lu dans un commentaire “Je me désabonne de l’Irma, ils se sont clairement affichés pour..” Je suis auteur pour l’Irma, j’aime beaucoup l’Irma et tout le travail qu’ils font et je me suis dit qu’il y avait certainement une enorme incompréhension pour que certains en arrivent à écrire et faire cela. Et qui dit incompréhension dit un énorme manque de communication….

Vous pouvez retrouver cette tribune sur http://cnm-contrenousmusiciens.blogspot.fr/


NOUS SOMMES TOUS DES BÉMOLS

Le quotidien d’information Libération publiait le 28 juin dernier un article intitulé « Le CNM, fauché et en pleine gloire ». On pouvait y lire la phrase suivante : « L’ensemble des acteurs de la musique, mis à part quelques bémols, est à fond pour le CNM. » (1)


Une telle phrase choque lorsqu’elle ignore un ensemble conséquent (et non des moindres) de structures représentatives ayant refusé de signer l’accord-cadre du 28 février 2012 servant de base à la création le 4 avril 2012 de l’Association de préfiguration du centre national de la musique composée de hauts fonctionnaires. Lorsqu’elle ignore également la pétition lancée par l’Appel des 333 (2), appel spontané et non encadré recueillant rapidement quelques 2777 signatures (très forte majorité de musiciens et musiciennes) lorsqu’une récente pétition en faveur du CNM (proposé par quatre fédérations et relayé par le quotidien Le Monde) en a recueilli 79 (3).

La précipitation volontariste avec laquelle Nicolas Sarkozy a lancé le Centre National de la Musique est relayée sans le moindre esprit critique aujourd’hui par les médias proches du nouveau pouvoir. On devrait s’en étonner.

Le CNM vient compléter la page éloquente du néant de la période culturelle récente : échec du Conseil de la création artistique, débuts insignifiants du Pôle Cinéma du Grand Paris, renflouement outrancier d’un très gros label « indépendant » par la Caisse des dépôts et consignations etc. (4).

La volonté de financer principalement le CNM par une taxe prise au Centre National du Cinéma, exercice de passe-passe plutôt illégal, montre d’emblée le côté aberrant de ce projet qui unit par ailleurs les problèmes de la musique à ceux de la duplication de la musique. L’organisme supposé être une manne est déjà en panne de financement avant d’avoir vu le jour. Il a suffi que la ministre de la culture, fraîchement nommée, fasse part, lors du festival de Cannes, de ses réserves, puis récemment que le directeur de la Sacem (réticences modulées paraît-il par un Sms) fasse de même ou encore qu’ un communiqué sorti tout droit d’un alambic de l’Adami sème le trouble, pour qu’immédiatement les fervents défenseurs du CNM, tels les Majors ou le Snep, montent au créneau. Une partie de la presse, rétive à laisser s’exprimer les bémols opposants au CNM, s’est empressée de publier une tribune libre (5) d’un cartel d’organisations, supposées représentatives des labels « indépendants » (6) dans ce qu’il est désormais convenu, dans les milieux politiques et financiers, d’appeler « la Filière musicale », pour la défense du CNM, seule façon de sauver la production « indépendante ».  Nombreuses sont, une fois encore, les organisations indépendantes et représentatives non consultées. On comprend mal cette obstination de réaliser le projet Sarkozy et de le considérer comme unique « sauveur » de la musique !

Depuis quand les tenants de l’industrie fonctionnent avec le même mètre-étalon que les plus petits artisans ? Nous l’avions dit lors d’un précédent appel faisant suite au rapport Riester-Chamfort-Colling-Thonon-Selles (7), le CNM fondé sur une conception étriquée de la musique, principalement liée au profit direct est source de graves problèmes. L’erreur initiale considérant la musique comme une « filière industrielle » en créant une norme de filière pour toutes les pratiques musicales et réduisant les aides diverses en un guichet unique n’est pas la moindre.

Si l’on veut renouveler les politiques publiques en faveur de la musique, il faut d’abord partir de la pratique artistique et ses diverses implications (duplication, création et diffusion ne sauraient être réduites en un). La différence plus que la diversité. Seuls les artistes peuvent nous permettre d’en comprendre l’importance. Les promoteurs du CNM ont terriblement minoré la parole des artistes. Les syndicats ont été tardivement consultés, les principaux ont d’ailleurs refusé le protocole d’accord. Mais quelque soit l’importance de la parole syndicale, nous avons besoin que les paroles portant les pratiques de tous soient entendues.

La musique ne saurait être considéré comme une simple marchandise qu’il suffit de réguler. À ce titre, nous appelons les acteurs de la production musicale et tous les bémols solidaires à se rassembler pour en finir avec le CNM qui a déjà prouvé sa totale inconvenance, et élaborer des propositions collectives en faveur de la musique.

(1)    Sarah Bosquet, Libération du 28 juin 2012 (2) « Non au Centre National de la musique » sur Pétition Publique :  http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N19710 (3) « La musique indépendante survivra-t-elle au temps politique ? » in Pétition en lignehttp://www.petitionenligne.fr/petition/tribune-la-musique-independante-survivra-t-elle-au-temps-politique/2619 (4) « Naïve, label musical très subventionné et pas très cool » par loïce Perron, Rue 89 – 18 mai 2012 (5) « La musique indépendante survivra-t-elle au temps politique ? » Le Monde du 13 juin 2012 (6) Ces fédérations comportent des membres hostiles au CNM (7)    « Rapport sur la création musicale et diversité à l’ère numérique »http://www.dgmic.culture.gouv.fr/article.php3?id_article=1696

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

5 comments

Voici un petit historique du projet de création du CNM :
http://www.steelcox-blog.com/le-cnm-ou-le-futur-guichet-unique-des-aides-a-la-musique/

Les questions qui viennent à l’esprit :
1/ Entre autre, un guichet unique des aides aux projets musicaux géré par l’Etat plutôt que par des sociétés civiles de la profession, quelles conséquences, quelles améliorations ?
2/ Les sommes annuelles destinées aux aides ne risquent-elles pas de se voir un jour détournées vers d’autres portefeuilles d’autres ministères selon les fluctuations économiques ?
3/ Les projets musicaux aidés à caractère privé ne risquent-ils pas d’être interprétés à tort comme subventionnés par l’Etat ?
4/ La liberté d’expression restera-t-elle respectée quel que soit le pouvoir en place ? Etc. …

Chère Virginie Berger,

Votre texte pointe avec justesse incompréhension et mauvaise communication qui sont bien deux des maux les plus brutaux de ce que l’on vit dans les pratiques musicales (au sens le plus large) aujourd’hui (et non dans la filière – quel terme idiot, voire assassin). Quelque chose s’est cassé et a dérivé, il y a déjà pas mal de temps (années 80?), que l’on ne veut pas voir et qui fait que tout à coup une espèce d’aberration comme l’arche de Noë-CNM peut être vue par certains comme la seule possibilité. Comme si la musique ne pouvait plus rien dire, comme si nous n’étions pas capable de plus de compréhension, de plus de communication, de plus d’improvisation, de plus de “faire ensemble”, comme si l’aspect le plus vivant de nos pratiques était à jamais relégué à l’entre parenthèse, que l’artiste était un animal de musée sous contrôle, que sa vie n’était plus vraiment une vie d’homme.

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