« Au Midem 2012, on crée l’expérience »: La jungle musicale se technologise

Le Midem se réinvente.

Du moins, c’est l’ambition de Bruno Crolot, son nouveau directeur depuis janvier dernier. En septembre, il se confiait à Musique Info en ces mots « Notre constat, aujourd’hui, est que le business de la musique s’étend au-delà de sa seule industrie. Nous avons donc décidé de viser un écosystème plus large que l’industrie musicale elle-même, qui en est tout de même le centre, en intégrant les acteurs des technologies, les artistes indépendants et les marques. ».[1]

La musique au delà de la musique en elle-même, en quelques sortes, confrontée à tous les malheurs qu’on lui connaît, est obligée de s’adapter aux évolutions structurelles du marché, ainsi qu’à ses nouveaux acteurs.

A en croire le programme de conférences et de participants que proposait le Midem 2012, la musique sera sauvée par la technologie, par le marketing et surtout par les AMERICAINS qui, évidemment, manient les deux à la perfection.

Prenons par exemple YouTube, qui célèbrait sa grand-messe samedi après midi. En toute humilité, Patrick Walker, directeur des partenariats de la fameuse plateforme video, ouvrait la conférence en disant « Nous sommes juste au début d’une transformation massive», comparant son apport à la société à celui de la télévision. Certes, les statistiques de YouTube sont impressionnantes : 60 heures de video mises en ligne par minute, 4 milliards de stream par jour …  “Amazing, AMAZING” comme ils disent.

Mais l’intérêt pour l’industrie musicale repose bien évidemment dans la monétisation et à cela, Chris LaRosa, chef de projets Musique pour YouTube, ajoute qu’en 2011, la plateforme a doublé le montant reversé aux labels, éditeurs, et autres partenaires musicaux à partir des vidéos de fans grâce notamment à leurs systèmes Content ID et Melody ID, qui identifient les musiques des vidéos uploadées par des utilisateurs lambda, mais aussi les reprises et rétribuent les labels qui en ont fait la demande.

Encore faut-il bien savoir utiliser YouTube, et autres outils web, pour optimiser sa présence et sa visibilité lorsque l’on est un artiste. Et c’est là qu’intervient le marketing.

Si l’on en croit les speakers de cette année, le mot d’ordre du marketing musical est dans l’expérience. Ariel Hyatt, créatrice de l’agence de RP Ariel Publicity à New York, citait lors de sa conférence « Apprendre de ses propres erreurs sur les réseaux sociaux » l’analyste américain Brian Solis : « Le futur des médias sociaux est défini par l’expérience partagée, pas uniquement par le partage de l’expérience ». En d’autres termes, utiliser les réseaux, c’est bien, mais sans interaction et sans impliquer les fans, c’est inutile.

Will Sansom, de Contagious Magazine, tenait le dernier jour du Midem une conférence sur, justement, la musique, le marketing et certaines expériences significatives. Will Sansom voit d’ailleurs plus loin : selon lui, « Nous ne sommes plus définis par ce que nous possédons, mais plutôt par les expériences que nous vivons ». Toujours selon le journaliste de Contagious, l’industrie musicale se bloque sur la philosophie « Dude, we should do », qui consiste à suivre ce que font les autres, sans maitriser ce dans quoi ils se lancent.

Mark Mulligan aussi est venu au Midem dans un esprit d’évangélisation, mais en ciblant pour sa part les artistes. Pour lui, l’actuelle industrie de la musique connaît des changements sans précédent, qui obligent les labels à revoir leurs priorités et à devenir plus frileux quand à la signature d’artistes. Pour cela, il conseille à ses derniers de se présenter aux maisons de disques comme des « opportunités business » : « décider de travailler avec un label est une décision commerciale, traitez le tel quel, car eux le feront ».

Allons faire un tour du côté des gagnants 2012 des MidemLabs, concours de start-ups ‘disruptives’ : 30 finalistes, 3 catégories, et… 6 Français !

Dans la catégorie ‘Music Discovery, Recommendation and Creation’, MPme, une application qui écoute 50 000 stations de radio en temps réel et qui utilise ces données, plus celles de votre bibliothèque musicale, afin de définir vos habitudes d’écoute et celles de vos amis et ainsi vous recommander les stations qui vous correspondront le mieux.

Pour la catégorie ‘Marketing & Social Engagement’, c’est Crowdsurfing by LiveOne qui remporte la compétition avec sa plateforme video qui permet l’interaction entre les différents usagés, comme si vous, simple internaute derrière l’écran, vous étiez réellement au concert de l’artiste dont vous regardez le live stream et que vous discutiez avec des gens au bar.

La troisième catégorie, ‘Direct to Consumer Sales & Content Monetisation’, fait la part belle à la gamification avec WildChords, un jeu sur iPad pour apprendre à faire de la guitare de façon simple et extrêmement ludique.

Enfin, dernier gagnant, le choix de Vivendi : WebDoc, une plateforme qui vous permet  de répertorier dans un seul endroit différents contenus des réseaux sociaux afin de créer une carte interactive.

Absente de la compétition, une application spécialement dédiée aux artistes aura retenu l’intention de bon nombre d’entres nous : Tonara. Cette application iPad est le parfait exemple de la technologie au service de la musique, et non pas l’inverse, comme c’est souvent le cas. Tonara propose des partitions qui écoutent l’instrument que vous êtes en train de jouer, même s’il y a du bruit environnant ou si quelqu’un joue d’un autre instrument à côté de vous. De nombreux avantages à cette application : plus besoin de tourner les pages, la possibilité de voir sa position sur la partition pendant que l’on joue, les notifications d’erreur lorsque l’on fait une mauvaise note … Tonara ne dispose pour l’instant que de quelques partitions, mais est en discussion avec les majors pour en acquérir davantage.

Difficile d’émerger dans cette jungle de services, de sites web et d’applications, sans compter celles créées par les hackers du Music Hack Day en 48 heures.

Cependant, plusieurs questions peuvent orienter notre recherche et notre intérêt : à qui le service profite le plus ? Apporte-t-il une vraie valeur ajoutée ? Quel est son mode de monétisation ? Est-il facile d’utilisation ? Est-il viable à long terme ?

Les MidemLabs qui, par le passé ont soutenu et révélé des outils comme SoundCloud, Root Music ou Next Big Sound, se sont rarement trompés …

Save The Date 2013 et en attendant la prochaine édition, ce sera à chacun d’entre nous d’encourager les initiatives les plus alternatives, et surtout les plus appropriées aux artistes et au secteur.


[1] Musique Info, n°531, septembre 2011

Illustration photo: “We want more”

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About Xavier Paufichet

Xavier Paufichet est chef de projets chez DBTH (dbth.fr), agence alternative d'accompagnement pour les artistes et industries créatives. Il gère aussi le site Re/Ec (http://www.re-ec.com) et selectionne chaque semaine sa random vidéo. Choix éclectiques, graphiques et subjectifs.

2 comments

Cependant, deux petits commentaires:
– la course aux gimmicks est sympa, et révèle de petits bijous (surtout cette année, en fait). Mais le business de la musique se fait en dehors des stands tech et lab. On l’oublie un peu. Vanter le travail accompi par YouTube et Coca-Cola est bien, mais qui parle de Selah Sue, Juston Hines et les artistes? Or, le Midem leur a fait une bonne place. Qui parle du travail des éditeurs et managers, les vrais moteurs de l’industrie à l’instant?
– tout les éditoriaux que je lis sous-entendent que la musique est indé, créé par un groupe et surtout un groupe avec des membres de moins de 30 ans. Or, le public pour ces groupes-là sont justement les moins enclin à payer pour la musique. Il serait peut-être temps de s’occuper du public qui soutient vraiment les artistes de manière directe. Comme un musicien a Tweeté récemment, “Si vous m’avez achêté un CD pour €8 vous faites déjà 10 plus pour que je puisse continuer qu’un an de revenus Spotify”. Terrible constat, mais juste.

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