Retour sur la Jirafe: Fonctionnement des programmateurs de salles et artisanat musical

Le 27 septembre a eu lieu la JIRAFE au Centre Barbara à Paris, journée organisée par le MAP. Il s’agissait de la 1ère édition de la Journée de l’Information, de la Répétition, de l’Accompagnement, de la Formation et de l’Enseignement

Ouverte à tous, cette journée présentait en un même endroit plusieurs structures et dispositifs parisiens au service des artistes musiciens, qu’ils soient amateurs, en voie de professionnalisation ou professionnels.

Romain Lange, de Cibul, site gratuit qui permet à tous (salle, artiste, label, compagnie, blog) de publier des événements de tous types partout dans le monde et partager son programme y était et partage avec vous ce qu’il en a retenu.

Matin: Parité parfaite pour les programmateurs

Intervenants: Julien Bassouls des Trois Baudets, Alice Vivier de la Loge, Elodie Mermoz de la Dame de Canton et Laurent Desideri du Sentier des Halles.

Les programmateurs ont surtout parlé d’eux et de leur métier et je crois que c’était utile: les programmateurs connaissent les groupes, l’inverse est moins sûr.

Les intervenants ont insisté sur le fait que les salles sont des entreprises avec l’obligation de remplir la salle et très peu de droit à l’erreur. Concrètement un groupe qui n’a pas encore de public local ou au contraire a déjà joué à Paris les semaines précédentes sera difficilement programmé. Le groupe ne doit pas se reposer sur la salle pour la com’: sur ce point les programmateurs débordaient d’anecdotes sur les groupes sans nom, avec une photo pourrie, et une bio de 4 pages commençant au collège. Chacun avait aussi eu des coups de coeur pour des artistes qu’ils ont complètement accompagné dans la construction de leur “kit de communication”, jouant alors un rôle proche de celui de producteur ou de manager.

Ensuite, ils ont rappelé que les salles sont des aventures humaines, avec de très petites équipes où chacun est polyvalent, ce pourquoi les groupes tombent souvent sur des répondeurs le matin quand personne n’est sur place, l’après-midi quand se préparent les plateaux et le soir quand le programmateur tient le bar… Laurent Desideri apprécie d’ailleurs de tenir le bar du Sentier des Halles qui est selon lui l’équivalent d’une très bonne étude de marché sur la qualité des concerts.

Ensuite, ils ont souligné aussi que les salles sont des marques s’efforçant de construire une programmation cohérente et de fidéliser un public. Les salles attendent des groupes des courriers personnalisées montrant que le projet artistique correspond à l’esprit de la salle et pas un emailing envoyé à toutes les salles. Bref, même quand on est un artiste sans cravate, on ne passe pas outre les lettres de motivation.

Julien Bassouls a rappelé qu’il marquait LifeLive en aussi grand que les noms du groupes sur les affiches, car il y a un public LifeLive et que les groupes le contactent aussi par ce biais. Il a lancé le concept “satisfait ou remboursé” pour les concerts, afin de montrer l’engagement de la salle sur sa programmation: toute personne quittant le concert avant la fin de la troisième chanson était remboursée. (A vérifier si cela est toujours d’actualité.)

Chacun a rappelé qu’il faisait aussi de la recherche active de groupes via les blogs et des contacts avec d’autres programmateurs.

Après-midi: les professionnels de la profession

Clément Praud (manager), Ronan Sparfel (tourneur, fondateur d’EnMemeTemps), Halit Uman (éditeur), Justine Debicki & Thomas Rousseau de Boogie Drugstore (Relations Presse), Aurélie Thuot (label Adone), David Bossan (distributeur pour Wagram Music), présentation par Frantz Steinbach (vice-président du MAP).

Chacun a pu présenter son métier, sa spécialité et son mode de facturation.

Les artistes étaient perplexes “par qui commencer?” La réponse? il n’y en a pas; c’est chaque groupe, en fonction de son stade de développement, qui doit choisir à quel spécialiste s’adresser.

L’idée était de présenter des prestations à la carte par des spécialistes, une relation avec des petites entités, plutôt que des contrats à 360° avec des majors. Pour le détail des métiers, je vous renvoie vers la série de vidéos produites par TousPourLaMusique (oui sur la chaîne YouTube, les liens sont en blanc sur fond blanc, ce qui est un choix radical).

C’était drôle de voir Ronan Sparfel un peu intimidé sur scène au micro, lui dont le métier est de mettre des groupes sous les feux de la rampe toute l’année.

Très intéressante intervention du manager Clément Praud qui a rappelé que les artistes ont aujourd’hui le choix entre industrie et artisanat musical: vendre 10 000 disques via un label et un distributeur peut rapporter autant que 1000 disques auto-produits et auto-commercialisés.

A ce propos durant cette journée, j’ai entendu cité trois fois le blog de Virginie Berger, qui est devenu le guide vivant de ce nouveau Do-It-Youself musical (NDLR: Héhéhé, je n’ai pas payé hein).

A propos d’artisanat toujours, il était amusant de noter toutes les petites remarques et tournures de phrases qui montrent que les professionnels veulent à tout prix se distinguer du cliché des majors de l’industrie musicale: des marketeux en cravate qui vendent de la musique comme on vendrait de la lessive. Ainsi Laurent Desideri décrivant son cursus: “après avoir fait ceci celà, j’ai vendu mon âme au diable en travaillant 20 ans chez une major”; de même Clément Praud, s’il employait un terme trop connoté marketing, du type “marché, concurrence, etc.” complétait en disant “pardon c’est un gros mot”.

Illustration musicale: “We want more”

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About Romain Lange

Romain Lange est le fondateur de Cibul, site s'intéressant à la variété des événements externes et à leurs fondateurs. Romain s'apprête également à lancer la V2 de Cibul, qui proposera des services pionniers dans ce domaine.

7 comments

Très intéressant. Je me demande si les choses se passent différemment en Belgique et en France au niveau des programmateurs de salles.

Par contre, je trouve vraiment dommage que les petites structures se sentent obligées de s’excuser d’utiliser le marketing comme les grosses. Comme si les outils marketing n’étaient pas nécessaires pour tous, même les artistes DIY. Même vendre 1000 disques auto-commercialisés nécessite de trouver et convaincre un marché (dans ce cas de niche).

Je note que “vendre 10 000 disques via un label et un distributeur peut rapporter autant que 1000 disques auto-produits et auto-commercialisés”.
Certes. Rapporter autant de sous, donc. Bien. C’est effectivement un choix, une logique respectable.
En revanche, il y a une grosse différence entre 1000 personnes qui vont écouter un album auto-prod’ et 10000 qui vont écouter ce même album label/distrib’.
A “bénéfice” (hum) financier égal, autant toucher le plus d’auditeurs possible, non?

Je suis d’accord, mais il convient de séparer l’écoute et l’acte d’achat. Vendre 1000 disques ne veut plus du tout dire, et heureusement, qu’il y aura 1000 auditeurs. On peut faire écouter sa musique via le web ou d’autres canaux très simplement.
Face à la situation des maisons de disques qui signent de moins en moins et à la profusion des projets artistiques de qualité, il est à mon sens plus intelligent de s’autoproduire, récupérer sa mise le plus vite possible tout en faisant découvrir sa musique au plus grand nombre et mettre toute les chances de son côté pour avoir de quoi financer le second enregistrement.

J’ai effectivement prononcé ces paroles, mais plus sur le ton de l’ironie et voyant la tête déconfite de certains artistes dans la salle à l’écoute de ces mots clés : marketing, concurrence, étude de marché, stratégie de développement, etc…

Évidemment que cela est nécessaire, le marketing est partout, si on ne vend pas toujours des produits, on vend au moins des projets. Et dans notre secteur c’est l’offre qui définit la demande, le système marche à contresens d’autres secteurs économiques. Raison de plus pour innover chaque jour et trouver des solutions originales pour valoriser les oeuvres et ceux qui les interprètes.

Chaque micro chapelle du secteur culturel a son propre champ sémantique : l’industrie de la musique enregistrée parle de produits ou de marché, le secteur du spectacle vivant subventionné parle de création et de public, le secteur associatif de projets et d’usagers. Tout cela revient à la même chose. Mais notre belle tradition française nous a toujours indiqué que les mots ont un sens, et utiliser tel ou tel “mot clé” nous place immédiatement dans une case dont il sera ensuite très difficile de sortir.

Je pense qu’il faut prendre de l’altitude par rapport à tout ça, un peu de pragmatisme et d’efficacité. Tout cela nous paraît ensuite bien futile, voire amusant.

Clément Praud
Manager, éditeur, consultant

Intéressant cet article.
Mais est ce que les programmateurs ont parlé de la location ? Elle devient quasi systématique avec des conditions très difficiles pour les petits groupes voir carrément impossible pour rendre le projet viable. La plupart des salles ne prennent plus de risques et la programmation ne se fait pas vraiment en fonction de l’artistes mais surtout en fonction des moyens que celui-ci apporte.
Il suffit de mettre le mot “location” dans son mail pour avoir une réponse. Il y a très peu de salles à Paris qui font de la programmation et/ou du partage de risques (location aux conditions acceptables).
En tant qu’artiste, cela ne me dérange pas d’utiliser des mots comme marketing etc, ce sont les régles mais j’utilise aussi les mots : risques, pertes, rentabilité et, oh gros mots pour certains progs, cachets pour les musiciens.

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