Do It Yourself et Direct To Fan = deux alternatives

On en parle beaucoup sur ce site, et on en parle de plus en plus à l’exterieur...De “nouveaux” business modèles émergent qui ne dépendent plus uniquement de l’air play radio ou les diffusions de clips en TV mais principalement de la relation entretenue entre les artistes et leurs fans.

Les artistes qui s’appuient sur leur base fan  pour diffuser leur musique et monétiser, ne sont cependant pas les apôtres d’un nouveau concept. On peut trouver des exemples d’artistes ayant utilisé ces outils et méthodes dans toutes les générations de musiciens.

Pour des artistes établis, il s’agit d’utiliser leur visibilité comme un levier très bon marché. Pour les artistes en développement, il s’agit la plupart d’une nécessité avant d’être une conviction. Sans label et distributeur, pour un artiste Do It Yourself (DIY) une des options est de vendre de la musique sur les concerts, les magasins de disques indépendants ou les fans clubs. Aujourd’hui, avec l’avancée des technologies, la musique peut être vendue aux fans à travers de nombreux canaux at par tous les acteurs de la musique (labels, distributeurs, etc..).

Le marketing et les ventes grâce au direct-to-fan (aux direct-to-fan sales) ont connu un pic ces dernières années grâce à la combinaison de différents facteurs. Tout d’abord, les technologies permettent maintenant aux artistes de tous niveaux de diffuser et vendre leur musique à leurs fans de manière claire, engageante et engagée, et bon marché. Ensuite, de nombreux artistes en développement ont maintenant fait le choix de ne pas signer avec des maisons de disques pour continuer à utiliser ces canaux alternatifs. D’ailleurs alternatif ne veut pas dire contradictoire. Le direct to fans peut parfaitement être utilisé par des maisons de disques, en coordination avec les artistes. Enfin, certains artistes établis ont choisi de ne pas renouveler leur contrat avec les maisons de disques, réalisant qu’ils avaient le public, la visibilité, la reconnaissance et la notoriété. Ces différentes situations ont grandement bénéficié à l’expansion du direct to fans.

Le Do it Yourself (DIY)  n’est pas le direct to fan (DTF).

Le DIY (Do it yourself) veut dire « je fais moi même ma musique, j’en fais moi même ma promotion et je n’ai besoin de personne ».

Mais le DIY existait bien avant l’arrivée d’Internet. C’est à la base un slogan du mouvement punk apparu dans  les années 1970. On est contre l’establishment, les valeurs établies, les labels et on privilégie l’expression brute et spontanée.

Si ces choix sont la majorité du temps imposés par un manque de budget, ils sont aussi, pour les artistes DIY, une véritable volonté de marquer leur indépendance face aux majors et à l’industrie du disque en général.

Ian MacKaye, le leader de Fugazi, personnalise complétement la philosophie du DIY. Crée au milieu des années 1980, Fugazi avait une éthique DIY très poussée. Le groupe faisait son possible pour  faire un maximum de concerts, dans tous types de salles en vendant les tickets à des prix les plus bas possibles.

En général, leurs tickets de concerts coûtaient entre 5 et 10$, pour des concerts dans des clubs, des restaurants, des halls d’immeubles, des clubs de gym, des caves….Le groupe voulait vraiment permettre à tous leurs fans de les voir et de les approcher. Ils développaient aussi de vraies relations, amicales, avec leurs fans…

Ils ont refusé les propositions des majors pour continuer à vivre suivant leurs propres codes et ainsi continuer à écrire, chanter, tourner comme ils le voulaient. Même leur promotion restait DIY et impliquait leurs fans. Ils envoyaient des fanzines, stickers, flyers à leurs fans qui allaient les distribuer dans la rue.

On peut donc être un artiste DIY par nécessité mais la philosophie du DIY ne peut être qu’un choix. Il faut plutôt voir le DIY seul comme une étape dans la carrière dans l’artiste…

On peut être un artiste DIY mais accompagné. Un artiste ne sait pas tout faire, et ne peut pas tout faire. Il doit en priorité se concentrer sur son travail artistique. Mais comment demander à un artiste de faire sa production, sa promotion, sa distribution ?

Le DIY vraiment seul est donc un mythe. Par contre, le DIY accompagné est différent. Il faut pouvoir construire une équipe autour de l’artiste. A l’artiste même de construire sa propre équipe. Au départ en travaillant avec des proches, des amis, et des fans….

Par contraste, le direct-to-fan (DTF) peut ressembler au DIY alors qu’il est fondamentalement différent.

Dans le direct to fan, on travaille sur les relations entre l’artiste et les fans.  On peut être un artiste DIY accompagné utilisant le DTF.

Je vais encore une fois le répéter: le seul moyen de vous rendre visible et de monétiser vos contenus est de constamment engager vos fans mais également de leur donner une raison d’acheter.

La raison d’acheter est une transaction volontaire. Votre public n’a pas d’obligation d’acheter. Ils choisissent d’acheter. Vous devez donc convaincre ce public d’acheter. En 2011, on peut acheter votre musique, comme la trouver gratuitement…Et sur les millions d’artistes dans le monde, le public a accès à des milliards de contenus. A vous donc de les convaincre d’acheter ce que vous faites.

Le direct to fans vous permet donc de donner un maximum de visibilité à vos contenus et de les monétiser en vous appuyant sur votre base fan. C’est ici que la raison d’acheter prend toute son importance….Que votre public achète sur iTunes, à la Fnac ou en direct n’est pas vraiment l’objectif..car l’objectif, c’est de les convaincre d’acheter….Le “où” ils achètent n’est pas essentiel…

Soyons clair, le direct to fans n’est pas une simple mode. D’un point de vue purement factuel, le direct to fan commence en janvier 1966 avec les Grateful Deads et prend son véritable envol en octobre 1984….

Dès leurs débuts, les Grateful Dead se dévouent pour leurs fans offrant repas, hébergement, musique, soins, et les encourageant à enregistrer leurs concerts.

Au début des années 80, le nombre de “tapers” (fans qui enregistrent et partagent les concerts) croît de façon exponentielle, et à partir d’octobre 1984 un espace leur est dédié juste derrière la table de mixage de l’ingénieur du son, avec même parfois un branchement direct, ce qui génèrera la circulation de quelques enregistrements d’une qualité exceptionnelle.

Au même moment, les Grateful Dead sortent du système. Ils s’éloignent de l’industrie musicale. Rien ne paraît entre 1981 et 1986.

Le groupe est un parmi les premiers du monde du rock à conserver la propriété de ses masters (productions) et de ses droits éditoriaux (éditions).

En 1986, Phish, un groupe américain imprégné de cette culture “Grateful Dead” à base d’improvisation et de fans qui s’échangent les concerts en toute légalité, fait ses débuts sur le circuit. Début 1989 à Boston, les propriétaires d’un club refusent de les programmer sous prétexte qu’ils n’ont jamais entendu parler du groupe. Les fans, eux, ont entendu les cassettes de concerts qui circulent, et toute une caravane les suit déjà de ville en ville. Le groupe décide alors de louer le club lui-même… et fait sold-out, juste avec ses fans!

En 1991 Phish devient, avec Bob Dylan, les Grateful Dead et les Beatles, un des premiers groupes à avoir son propre newsgroup Usenet, rec.music.phish.

Fin 1993, déjà en relation permanente avec ses fans à travers la newsletter papier “The Doniac Shvice“, la newsletter par email de leur site officiel phish.com ou celle du site officiel de la communauté de fans phish.net, Phish commence à vendre ses tickets de concert en direct à ses fans. Lorsque leur maison de disques pense enfin avoir un tube radio, le groupe décide de retirer le track de l’album. La promotion massive et le marketing traditionnel ne les intéressant pas car ils “survivent” parfaitement en se contentant de tourner grâce à leurs fans… à tel point qu’en 1999 ils génèrent 19 millions de dollars en tournée pendant que les Rolling Stones n’en font que 12!!

En 1999, le groupe Phish  qui survit parfaitement en se contentant de tourner grâce à leurs fans génèrent 19 millions de dollars en tournée pendant que les Rolling Stones n’en font que 12!!

En fin de compte, grâce à l’utilisation des ces nouveaux outils, vous pouvez arriver à faire des choses que d’autres auraient aimé faire, avant ou ont activement recherché à faire…..C’est à dire trouver des gens qui ont des intérêts communs avec vous, communiquer avec eux, s’appuyer sur une base fan  pour vendre directement votre musique et votre merchandising (produits dérivés).  Rien n’est nouveau, loin de là, mais les moyens actuels vous permettent de le faire plus. Et mieux.

Nous sommes donc en train de revenir sur un schéma où le contrôle appartient à l’auditeur d’un côté et au créateurs au sens large de l’autre : musiciens, compositeurs, producteurs, label dans le sens historique du terme.

En développant des relations directes onlines avec vos fans, vous pouvez créer et développer votre business model, mais également récupérer des données concernant votre public: qu’achètent-ils? Quelles sont leurs préférences? Leurs intérêts? Leurs comportements? Ces donnés sont primordiales pour pouvoir développer votre base fan et vos revenus.

Dans un récent rapport sur l’industrie musicale du Forrester Research Group, Mark Mulligan explique que dépenser temps et ressources sur le lancement d’un seul album sert seulement à créer des à -coups dans les relations entre l’artiste et ses fans. Par contre, il encourage les artistes à penser différemment, à sortir des limites du simple album et à diffuser régulièrement des contenus (tout type de contenu, vidéo, photo, titres…).

Il y a plusieurs moyens  de développer le marketing direct to fans:

–       Utilisez les réseaux sociaux pour promouvoir votre musique partout  et tirer parti de vos fans en comme distributeurs

–       Utilisez les emails, Twitter etc.….pour commercialiser directement votre musique à vos fans

–       Collectez les données nécessaires, rassemblez et mettez en place les données nécessaires pour développer votre relation avec votre fan et sa durée de vie

Il y a beaucoup d’artistes, connus ou non, qui utilisent cette formule pour créer des stratégies qui marchent, en termes de visibilité, comme de monétisation. Ils ont ainsi pu développer et renforcer votre base fan, créer des produits, les distribuer et être payé.

Je vous propose d’aller relire les témoignages sur le site de Charly et sa drôle de dame, Thot, Misteur Valaire, Tahiti 80, Cyril Paulus.…et de vous replonger dans les conseils marketing de Ian Rodgers, fondateur de TopSpin, plate forme vraiment centrée sur le direct to fans.

Illustration photo: “We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

4 comments

(une fois la rectification faite, ce commentaire peut être supprimé, no pb)
Bonjour Virginie,
à toutes fins utiles, je signale vite fait deux passages redondants :
… à tel point qu’en 1999 ils génèrent 19 millions de dollars en tournée pendant que les Rolling Stones n’en font que 12!!

En 1999, le groupe Phish qui survit parfaitement en se contentant de tourner grâce à leurs fans génèrent 19 millions de dollars en tournée pendant que les Rolling Stones n’en font que 12!!

(article très instructif par ailleurs, merci)

Bonjour,

Article très interessant!
je me permet toutefois de rajouter que le principe du DIY a été pratiqué avec frénésie en Angleterre fin ’70 par le mouvement Punk (et surtout arnacho Punk, c’est la base de leur philosophie, ils fabriquent même leurs propres vêtements) .

En plus de composer et de se produire avec leurs propres moyens, beaucoup de petits groupes Anglais ont été encore plus loin, en créant et en distribuant eux même leurs affiches, leurs flyers et même leurs magazines ( voir Sniffin’ Glue ). Je pense ainsi à des groupes comme Crass, qui ont poussé le concept ethique du DIY très loin.

Merci pour cette article !

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