La check list juridique pour bien démarrer de l’artiste avisé

Emmanuelle Bruch est avocate à la cour. Elle a été également éditrice et productrice pendant plus de dix ans dans le secteur musical. Durant nos loooongues discussions sur ces sujets, je lui ai souvent dit  qu’on avait assez peu d’infos sur quoi faire, comment faire, où aller quand on était un artiste et qu’on démarrait sa carrière. Bien souvent, l’artiste par manque de connaissance et d’expérience, ne se protége pas, ou peu….et ça peut faire mal. Me Bruch vous explique donc, concrètement, quels sont les points juridiques (société de gestion collective, manager, statut, etc…) à bien vérifier avant de se lancer…..


Ca y est, c’est décidé, on se lance… très bien !

Voici donc les quelques points incontournables dont il faudra se garantir pour percevoir au mieux ses revenus et être en règle avec l’administration !

Hypothèse numéro un : Je suis un simple artiste interprète ( je n’écris pas mes chansons, je ne les produit pas non plus)


Mes revenus viendront essentiellement de la vente de mes disques (à hauteur du pourcentage qu’on m’a attribué dans mon contrat d’enregistrement sur le prix de vente des albums), des scènes que je ferai, éventuellement de la vente des produits derivés créés à mon effigie, et des contrats publicitaires si une marque est intéressée par mon image et mon public.

Les diligences à effectuer sont les suivantes :

1)     Sur mon statut :

–          Je peux être en profession libérale : je me déclare à l’administration en tant qu’artiste, ils m’attribuent un numéro de siret qui me permet de facturer. Je devrai alors payer mes charges sociales, et tenir une comptabilité. Je peux également adopter le statut d’auto entrepreneur.

Attention ! Si je facture mes cachets de scènes, et que je fais plus de cinq scenes par an, je devrai me munir d’une licence d’entrepreneur de spectacles !

–          Je peux aussi avoir le statut d’intermittent du spectacle (www.intermittent-spectacle.fr/conditions-d-acces-au-statut-d.html), j’ai ainsi un statut de salarié, et je peux toucher une allocation chômage qui dépendra du montant des cachets que je touche lors des périodes creuses.

2)     La protection des attributs de ma personnalité

–          Protéger mon nom : pour cela, il me suffit d’aller sur le site internet de l’INPI ( www.inpi.fr) et de deposer mon nom en tant que marque. Attention, il conviendra de verifier auparavant qu’il n’y a pas d’antériorité sur ce nom dans la même classe. Un depot coûte 200 Euros si je le fais en ligne.

3)     Les sociétés de gestion collective

–          Pour les artistes interprètes, il faut s’inscrire à l’ADAMI (www.adami.fr),  cet organisme collecte les droits des artistes interprètes lors de la diffusion de leurs oeuvres et leur reverse environ deux fois par an.

4)     Rapports avec le Producteur

L’artiste interprète devra signer avec son producteur un contrat d’enregistrement (encore appelé contrat d’artiste) au titre duquel il va céder ses droits sur son interprétation.

Ces contrats seront étudiés ultérieurement toutefois il est utile de savoir qu’un artiste ne cède pas automatiquement tous ses droits.

La base du contrat d’enregistrement est de céder ses droits sur son interpretation. Toutefois la plupart des contrats contemporains prévoient également que l’artiste cède à sa maison de disque, de façon exclusive ou non, pendant la durée du contrat, les droits relatifs aux attributs de sa personnalité (l’utilisation de son nom et de son image) et les tournées ( la maison de disque étant alors l’interface entre le Tourneur et l’artiste).

5)     Le manager

Le manager est un agent qui doit normalement être le mandataire de l’artiste sur l’ensemble de ces demarches et l’en soulager.

Il est une figure importante dans la carrière de l’artiste qui généralement n’a pas le temps de s’occuper de tout cela. Son rôle est ainsi de substituer l’artiste et de négocier et gérer à sa place tous ces aspects de sa carrière.

Sa rémuneration oscille généralement entre 10 et 15 % des rémunérations qu’il négocie et/ou encaisse pour le compte de l’artiste. Le contrat qui le lie à l’artiste est un contrat de mandat.

Hypothèse numéro 2 : je suis artiste interprète et auteur compositeur


Aux diligences décrites dans l’hypothèse numéro un devront s’ajouter celles propres à l’auteur compositeur, avec une source de revenus supplémentaire : les droits d’auteur.

–          En amont, cela consistera à m’inscrire à la SACEM (www.sacem.fr), et à bien veiller à y deposer mes oeuvres.

–          En aval, à veiller, à chaque scène effectuée, à déposer au producteur de la date la programmation (y mentionner les titres interpretés sur scène, et les crédits des personnes titulaires de droits sur ces titres).

Rapports avec l’Editeur

L’éditeur musical est celui qui gère les droits d’auteur et agit pour que l’oeuvre génère des revenus (essentiellement via sa diffusion, et sa reproduction) en contrepartie d’un pourcentage sur les droits d’auteur de l’oeuvre pendant toute sa durée de protection (vie de l’auteur + 70 ans après sa mort).

Certains auteurs s’en sortent très bien sans un éditeur, mais un bon éditeur est toutefois une personne parfaitement utile, voire un véritable accélérateur de carrière.

En effet, parmi ses missions, il pourra aider à placer l’oeuvre dans des films publicitaires, ou dans des films ou des oeuvres cinématographiques et à négocier les revenus y afférents, à financer en tout ou partie un clip, à trouver un Tourneur et financer en partie une tournée par un tour support. Il peut aussi être extrêmement utile pour déposer les oeuvres, et opérer toutes les vérifications relatives à la répartition des droits.

Les rapports de l’auteur avec l’éditeur sont en général prévus, sur le long terme, par un pacte de préférence, par lequel l’éditeur s’attribue un droit de préférence sur les oeuvres présentes et à venir de l’auteur pendant une période déterminée.

Il peut aussi être l’éditeur d’un titre ou de plusieurs, sans pour cela qu’il y ait de pacte de preference et il signera alors des contrats d’édition titre par titre avec l’auteur.

Hypothèse numéro 3 : je suis artiste interpète et producteur de mes enregistrements


Cela veut dire que c’est moi qui prend l’initiative d’enregistrer mes oeuvres et ce sont ces enregistrements qui sont commercialisés (je ne me contente pas d’enregistrer des maquettes en home studio qui seront par la suite réenregistrées). Je suis donc propriétaire de mes enregistrements et mon pourcentage sur les ventes de disques est plus important. Un article traitera ultérieurement des types de contrats applicables en fonction de tout cela (principalement, le contrat de licence ou le contrat de distribution).

Il y a ici des diligences à accomplir vis à vis des autres personnes ayant participé à l’enregistrement : les musiciens, l’ingénieur du son, les choeurs éventuellement.

La gestion est en général un peu plus lourde, et si la loi n’empêche pas à une personne physique de produire des enregistrements, il semble tout de même plus simple de le faire sous la forme d’une société.

1)     Statut

–          Se mettre en SARL, en EURL, en micro B.I.C. , ou en auto entrepreneur . Il faudra dans tous les cas tenir une comptabilité.

2)     Rapports avec les personnes ayant participé à l’enregistrement

– Régler les musiciens (en général sous forme de cachet) et les choeurs, leur faire signer des contrats de cession (Ces contrats seront très prochainement disponibles dans un lien)

– Déclarer leur passage en studio par des fiches SPEDIDAM, à remettre ensuite à cet organisme.

3) Sociétés de Gestion collective

– Adhérer à la SCPP (www.scpp.fr) ou à la SPPF (www.sppf.com)

Voici donc quelques bases utiles pour un lancement de carrière artistique, chaque point sera approfondi dans des articles suivants, bonne route !

Illustration photo “We want more”

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About Emmanuelle Bruch

Avocat à la cour, Emmanuelle Bruch a également été pendant plus de 10 ans, éditrice, productrice et manager. Elle est donc très sensible aux difficultés rencontrées par les artistes, dans le developpement comme la protection de leurs oeuvres.

9 comments

Bonjour et merci pour cet article enrichissant.

Au niveau juridique, que faire lorsqu’on a un vrai travail, et qu’on fait quelques scènes (plus de 5 par an) rémunérées? Peut-on cumuler un CDI et un statut d’intermittent?

Merci!

Question sur le statut d’auto-entrepreneur qui séduit un certain nombre d’intermittents du spectacles (artistes, mais techniciens surtout) en raison de la pression des employeurs qui préfèrent régler une facture plutôt que d’établir une fiche de paie.

Certains partenaires sociaux estiment que ce statut pose problème pour des raisons de responsabilité civile, notamment pour les concerts.

Lorsqu’un artiste ou technicien est salarié par le producteur, c’est la responsabilité de ce dernier qui est engagée en cas de pépin.

Mais si le prestataire facture en tant qu’auto-entrepreneur, c’est alors à lui qu’incombe certaines responsabilités, notamment en cas de prestation de régie de spectacle (exemple: le micro ou un instrument échappe des mains et éborgne un spectateur du premier rang). Mais comme les auto-entrepreneurs sont limités en chiffre d’affaires, et donc en garantie, ils n’ont que rarement accès aux assurances idoines (ou ne les prennent pas car elles sont coûteuses) et risquent alors de sérieux ennuis.

Des précisions sur ce point seraient les bienvenues.

Bien sûr, et je l’avais lu (et relu) avec moult intérêt.

Toutefois, la question de la responsabilité civile mériterait tout de même un billet spécifique à l’occasion 🙂

ça, malheureusement, je n’en ai pas les compétences. Et je ne me permettrai pas de partir sur un tel sujet sans en être specialiste 🙂 Mais Emmanuelle Bruch m’a dit qu’elle allait y répondre…

En guise de réponse à la question posée par krapo :
– Un auteur compositeur est assujetti aux BNC (Bénéfices Non Commerciaux), et n’a pas besoin de monter une structure. Il me semble même que cela lui est interdit si la composition est son activité principale en tant qu’artiste (même s’il s’auto-produit et vends lui-même ses disques…). Voir le CGI pour + de détail. Il doit évidemment tenir une comptabilité, et s’être auparavant déclaré aux impôts avec le formulaire n°xxxx. Et il peut aussi être salarié d’une entreprise.
– Un musicien/interprète peut toucher des cachets, même s’il a une autre activité salariée. Il faut juste prévenir le premier employeur de son activité parallèle.

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