Comment choisit-on un titre en radio? Les coulisses des Tests

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Nous allons nous pencher sur un sujet dit sensible, les “tests” radios. Les études, la mesure de l’audience d’un titre….Il y a de longues années de ça, quand j’étais chez NRJ, la grande obsession de mes contacts maisons de disques était “Est ce que ça teste” ou “Dis, tu peux pas me dire comme ça teste” ou “ça teste bien..”? Et là, je partais voir Stéphane Rogeon qui jamais au grand jamais ne m’a lâché quoi que ce soit sur les tests, mais qui par contre m’a beaucoup appris sur les études audience et autres…En fait, comme je m’ennuyais quand même beaucoup chez NRJ, je dois bien l’avouer, je partais me réfugier des heures dans le bureau de Stéphane…

Stéphane Rogeon, c’est donc plus de 15 ans d’expérience dans les études musique. D’abord comme Directeur des études d’Ipsos Music avec le lancement des principaux indicateurs airplay utilisés par la filière musicale : classement, tracking, chiffres clés, quotas francophones… (et actuellement mesurés par Yacast depuis 2001) puis Directeur des études et de la recherche du groupe NRJ puis Fondateur de Muzitest, spécialisée dans le marketing antenne en radio.

Il a donc accepté de répondre à quelques questions sur la sauce interne des radios.

Qu’appelle t’on “les études” dans les radios?


Comme disait Pierre Bellanger, fondateur et président de Skyrock, « les études sont l’organisation d’une rétroaction permanente entre le public et la radio (La Radio du Futur – Armand Colin – 1992). En radio, les études peuvent se diviser en deux catégories.

– La mesure de l’audience, qui sanctionne le travail des responsables d’antenne et permet de réguler le marché publicitaire sur le média.

– La Recherche, qui analyse les usages et attitude des auditeurs (quand, où, comment… fréquentent-ils le média ?), l’opinion et la satisfaction à propos du programme (notamment la musique) et les attentes, à travers des outils propres au média : call out (test musicaux au téléphone), auditorium (test en salle) ou des outils standard (questionnaire, focus group…). Il s’agit ainsi de définir la cible la plus pertinente (les jeunes, les amateurs de dance, les « branchés » urbain, les femmes actives…) et de mieux la connaître pour la ressembler autours d’un programme spécifique conçu pour elle.

Qu’est ce que c’est qu’un ‘test radio’?


Chaque morceau de musique diffusé en radio est préalablement testé auprès d’un échantillon d’auditeurs représentatif de la cible recherché. Ces tests de musique permettent aux radios d’optimiser la pertinence de la programmation dans le but d’augmenter la durée d’écoute sur une population spécifique. Les tests sont réalisés par téléphone, par internet ou en salle, selon la cible et le besoin de réactivité. Les nouveautés sont testées plusieurs fois par mois tandis que les titres plus anciens, dont la variation sur l’opinion évolue peu à court terme, sont testés deux à trois fois par an. Les radios cherchent ainsi à connaître le niveau de satisfaction des auditeurs (adore, aime bien, aime pas, déteste, trop entendu) et la notoriété des titres.

Cela existe depuis combien de temps pour les radios?


La plupart des études musicales en radio est utilisée aux USA depuis le début des années 80. Elles sont arrivées en France au début des années 90. Les méthodologies n’ont pas beaucoup évoluées depuis.

Est ce que toutes les radios le pratiquent?


Toutes celles qui en ont les moyens et parfois celles qui ne les ont pas. Pour cela, ces dernières utilisent des méthodes plus ou moins bidouillées, low cost, dont le biais est inversement proportionnel au budget dépensé. Il s’agit des radios locales notamment. Les radios nationales mettent les moyens nécessaires pour réaliser des études de bon niveau qui finalement, par l’intermédiaire de leur programmation, alimente les radios plus petites avec un léger décalage. Yacast permet d’obtenir ainsi les résultats des tests des radios (le classement des titres diffusés reflète les résultats des tests). Certaines radios locales ont mis en place de mauvais tests ou les ont mal exploités. Dégoutés des résultats, elles ont arrêté. Elles s’inspirent du passé des réseaux pour préparer leur avenir.

Est ce utilisé durant toute la vie d’un titre (de son entrée en radio jusqu’à la sortie)?


Les tests permettent de définir les cycles de vie d’un titre. La majorité des titres testés ne dépasse pas la phase de démarrage entre 2 et 4 semaines. Les tests démarrent après environ une centaine de passages en radio afin d’atteindre un niveau de notoriété suffisant pour être jugé. En effet, l’opinion sur un titre est meilleur lorsqu’il est familier des auditeurs et correspond davantage à son niveau de satisfaction réel auprès du public.

Le test accompagne la vie de l’artiste en playlist. Il anticipe le niveau de rotation.

Au bout de plusieurs semaines (variable selon le titre), les auditeurs se lassent. Les tests vont ainsi permettre de mesurer ce niveau de lassitude jusqu’à ce que celui-ci, trop élevé, impose un retrait de la playlist et son remplacement.

Est ce que cela remplace le choix du programmateur ou celui ci garde t’il la main?


Le test est une aide à la décision. Un indicateur de vol. Mais le programmateur reste le pilote de l’avion. C’est lui qui décide de démarrer un titre ou pas (avant même la mise en test). Mais les responsables de radio doivent minimiser la prise de risque. Ils attendent souvent que les autres radios fassent la « découverte » du titre auprès du public. Elles testent ensuite le titre auprès de leurs propres auditeurs (également auditeurs des radios concurrentes) et décident ou pas de le diffuser.

Les radios dont les programmateurs ont vraiment la main, ne font pas de test. Un programme est fait pour le public, il doit dont être jugé par le public. Une radio qui a les moyens de faire des tests et qui n’en fait pas, ne programme pas pour son public mais pour elle-même.

Est ce qu’un artiste qui ne teste pas peut quand même passer en radio? As tu des exemples d’artistes qui testaient très mal qui ont pourtant ensuite cartonné?


Dans la grande majorité des cas, un titre qui obtient un mauvais test ne reste pas à l’antenne. Toutefois, il y a des cas où le titre est maintenu. Il s’agit des titres qui profitent d’un buzz important ; des titres dont l’image de l’artiste et l’originalité du titre dépassent la qualité artistique du morceau. Helmut Fritz par exemple l’année dernière a été de ceux là, ou Philippe Katerine plus récemment, quelques succès d’image.

Comment vois-tu l’évolution des choses? de plus en plus de Tests?


Les auditeurs disposent de plus en plus de sources de découverte et d’écoute de la musique qui ont chacun leurs fonctions propres et sont complémentaires dans le parcours musical de l’individu.

La radio joue un rôle d’influence et de préconisateur. Internet, d’identification et de récupération, les lecteurs perso de stockage et d’écoute.

Dans ce contexte, la radio semble a priori protégée mais elle court le danger d’être concurrencée sur ses fonctions propres. Pour éviter cela, les différentes stations doivent faire évoluer leur dispositif d’étude sans tomber dans les pièges de l’économie à tout prix. Elles doivent travailler davantage sur l’image, la différenciation, l’identité forte. Les radios qui suivent ce chemin (cf Skyrock et plus récemment Fun radio ou RMC sur le talk) s’en sortent bien.

Sans oublier qu’une station de radio, on vient pour ce que l’on en pense, on reste pour ce que l’on entend.

Illustration photo: “We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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