Pourquoi Jarring Effects a recourt aux dons après 15 ans d’activisme? A cause de leur passion

Vous le savez, j’essaie, à mon petit niveau, de soutenir et mettre en avant Jarring Effects autant que je peux.

Je vous l’ai déjà expliqué dans mon premier article, Jarring Effects, ne va pas bien. Mais Jarring Effects ne se laisse pas aller non plus et propose différentes solutions, à travers la vente de packages, d’actions spécifiques et de donations (mon dernier article sur le sujet)

Je pense profondément qu’un tel label ne peut pas disparaître. Parce que la musique c’est ça.

Ce sont des passionnés qui s’engagent sans compter, sans aucune idée de où ils iront. C’est la possibilité pour des musiques, pas forcément grand public, d’être accessibles. Mais ce sont aussi des êtres humains, qui s’engagent pour d’autres humains, et font des choix humains. Combien de labels engagent des détenus ou organisent des concerts en Bosnie? Et tout Jarring qui disparaît, ce sont des artistes, des publics, mais également toute une chaine de la production musicale qui disparaît. Et que moi, quand on me dit “Ouaih les maisons de disques, tous pourris, la création doit être gratuite, blablabla…”, et bien j’aimerais beaucoup connaître les alternatives qu’on me propose face à tout ça…

Beaucoup m’ont posé la question sur les choix de Jarring Effects, notamment sur son appel aux dons. Et j’ai pensé que le mieux, c’était que Jarring Effects s’exprime par lui-même. Voici leur tribune que vous pouvez également retrouver sur leur site.


POURQUOI SOUTENIR JARRING EFFECTS?

Pourquoi recourir à un don après 15 ans d’activisme, période qui a permis au collectif Jarring Effects de défendre une diversité musicale via sa démarche militante en faveur d’un défrichage sonore tout azimut, véritable pied de nez à l’opportunisme stérile et latent qui nous gouverne. 15 ans de bons et loyaux services en faveur des artistes, du public,des amateurs et des professionnels de la musique.

Et avant tout, 15 ans d’aventure humaine !

Que s’est il passé?

Pour faire vite… Un mode de fonctionnement communautaire ne regardant pas à la dépense, un marché du disque en chute de 50%, des rémunérations issues du numérique inexistantes (une écoute sur Deezer est rémunérée en millième de centimes), des artistes à l’empreinte artistique forte et non consensuelle, difficile à promouvoir en tour (contrats de vente de faibles montants)….

Ajoutez à cela des artistes présents sur le disque mais absents sur le tour en France (donc pas d’effet levier pour promouvoir les nouveaux), des choix basés sur la passion et non sur une rentabilité ferme, une masse salariale en constante augmentation (fin des emplois aidés), sans oublier la perte d’un procès avec un distributeur (avec des dommages et intérêts à payer).

Nous ne sommes pas non plus éditeur musical contrairement à bon nombre de nos collègues. Donc on ne récupère pas 50% des droits d’auteur (mécaniques) sur la duplication d’album, ni 33% sur les droits de diffusion issus des redevances SACEM.

Un peu compliqué pour le public, mais d’autres comprendrons très bien. Mais soyons moins radicaux et développons un peu plus !

Né autour d’un local servant tour à tour de studio d’enregistrement, de local de répétition ou de bureau de production, tout s’est accéléré en 1995 avec la création de l’association Jarring Effects. C’est « seulement » en 1998 que l’activité label a vu le jour avec la sortie d’une première compilation « Fantasques Hits » oeuvrant au développement de la carrière d’artistes inconnus (Monsieur OrangeLe Peuple de l’Herbe,…), suivie de la compilation promotionnelle JFX Party n°1 en 1999 (qu’on retrouve sur « le DVD Burn Babylon Burn »). Que de talents réunis au sein d’une même galette!

Au cours de ces années, nous avons pu pérenniser nos métiers, investir dans du matériel pour professionnaliser notre activité, et développer notre indépendance. La sortie du premier album d’High Tone en 2000 a véritablement ancré l’activité discographique au sein du collectif. La signature successive du quintet lyonnais et du groupe Ez3kiel a en effet mis le feu au label et à la scène dub française.

Le succès de ces premières productions a permis à Jarring Effects de s’engager sur les sentiers de la découverte, de l’éclectisme, et de la solidarité. Cette ouverture s’est faite au fur et a mesure des années aux côtés d’artistes locaux (Brain DamageKaly Live Dub), nationaux (Von MagnetFumujInterlope) et internationaux comme les sud-africains Playdoe et Ben Sharpa, les américains Oddateee et Filastine, les bosniaques Vuneny, sans oublier notre anglais préféré, Mick Harris alias Scorn.

Une diversité issue de l’éclectisme des membres de Jarring Effects. On fait ce que l’on aime, point barre. Même si on trouve ainsi des OVNI au sein de notre catalogue.

Loin de s’affirmer dans ses seuls choix artistiques, la démarche militante du collectif s’est aussi concrétisée par l’organisation d’actions caritatives, discrètes mais efficaces, telles l’embauche de personnes détenues en prison afin qu’elles sortent plus rapidement de la sphère carcérale, ou l’organisation d’un festival en Bosnie-Herzégovine à Mostar au profit de l’association Drugimost, avec en amont la sortie de la compilation « How do you sleep ». Un chèque de 15 000 euros a pu être remis à la structure. On a ainsi humblement participé à la reconstruction d’un pays dévasté par une guerre fratricide.

Un peu de musique dans ce monde de brute. C’était en 2002.


Si le disque a toujours été l’activité de fond de la structure, son attitude indépendante et très « Do it yourself » l’a amenée à diversifier ses activités.

Non contente de défendre ses artistes par des sorties de disques suivies et travaillées dans le temps, il a aussi fallu faire le lien avec la scène, premier maillon avec un interlocuteur d’importance : le public! Jarring Effects travaille donc au développement de ses artistes par l’organisation de tournées en France, en Europe mais aussi au Nouveau Monde.

Ainsi, notre lutte permanente contre une industrie du disque aseptisée trouve aussi bien sa place dans les squats d’Europe de l’Est que dans les salles de concerts les plus identifiées de notre territoire. Mais notre catalogue de tourneur se compose à la fois d’artiste étrangers que l’on développe en France, ou d’artiste français que l’on travaille à l’export (les tourneurs français se les réservent!).

Bref on ne fait que le plus dur et le moins rémunérateur.

L’enregistrement nous a aussi semblé être une activité incontournable pour défendre notre indépendance. Déjà en version mobile depuis 1993, le JFX Studio a trouvé ses quartiers dans les hauteurs de la Croix Rousse à Lyon en 2007. Ses portes sont ouvertes à tous les groupes (des plus connus – High Tone ou Les Ogres de Barback – aux artistes en développement) pour leur permettre d’assumer leur passion à des tarifs accessibles et dans des conditions professionnelles.

Parallèlement, les concerts organisés par Jarring Effects sont une vitrine symbolique des valeurs défendues : une programmation orientée vers la découverte et les rencontres hybrides, des prix d’entrée et des consommations accessibles à tous, tout en portant une attention particulière à l’accueil des artistes et du public (évitons le côté bétail de certains festivals).

Le festival Riddim Collision, dont la douzième édition s’est déroulée du 5 au 16 novembre 2010, offre un excellent terrain de jeu aux artistes du label mais aussi à ceux soutenus en tour ou encore ceux dont les expérimentations sonores ont su attirer nos oreilles. Ce festival hors du commun a vu se côtoyer des artistes de renommée internationale (Amon Tobin, Young Gods, Scorn, Mike Ladd, High Tone, µ-ziq, Von Magnet, Plaid, Hint, Pierre Bastien, Fingathing, The Bug, Disrupt, Bogdan Raczynski, Le Peuple de l’Herbe, Pole) aux côtés de collectifs locaux dont le travail est tout aussi remarquable (AADNBee RecordsBRKAirflex Lab).

Sachant qu’il est impossible de comparer le secteur sinistré de la musique enregistrée à un conflit meurtrier, la guerre stérile que mène l’industrie musicale à l’égard des internautes (cf loi contre les ADOlescents PIrates – HADOPI) nous emmène droit dans le mur, sans qu’elle se remette en question. Les acteurs du marché ont beau se tirer des balles dans le pied avec leur vision à court terme, ils cherchent toujours un bouc-émissaire, sans oublier de prendre de l’argent au passage.

C’est pourquoi nous développons avec d’autres labels des solutions alternatives et mutualisées pour promouvoir nos artistes. Le collectif apporte ainsi son soutien à de nombreuses structures par une aide humaine, technique ou logistique. L’activisme du collectif s’est tourné vers des démarches collectives et syndicales. Co-fondateurs de la fédération de labels indépendants CD1D et de la fédération régionale basée en Rhône-Alpes dénommée FEPPRA, (dotée de sa propre plateforme musicale 1d-rhonealpes.com), membre du Syndicat des Musiques Actuelles (SMA) avec la mission d’y développer la représentativité de la musique enregistrée, Jarring Effects participe activement aux réflexions visant à soutenir la création indépendante sous toutes ses formes.

Bref, un appel au don, et non une aumône. Mais vous pouvez aussi nous soutenir de différentes manières, en achetant par exemple nos disques sur nos plateformes favorites (n’oubliez pas notre pack promo!), en venant à nos concerts, en diffusant nos infos, en nous faisant part de vos sentiments, en faisant une donation…

Nous tenons bon, les coups sont rudes, on n’est pas contre un réconfort, quel qu’il soit. Car malgré toutes les difficultés que vous apercevrez à travers ces lignes, nous ne baissons pas les bras.

Nous avons un projet fort en tête qui enflamment nos esprits : la sortie à l’automne 2011 de la centième référence du label “FX100”, le volume ultime ! Un panorama historique multimédia de 15 années inoubliables… à suivre!

Pour suivre Jarring Effects:

Leur site webleur Facebook, leur twitter.com (@jarringeffects)

Illustration photo “We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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