Discussion avec Brian Message, co-manager de Radiohead.

Il y a des hommes, peu mais vraiment très peu, qui vous embarquent. Non pas parce que cet homme est le co-manager de Radiohead depuis quasi 20 ans (mais aussi de Kate Nash, Supergrass, Faithless..). Mais parce qu’il a une véritable expérience, une réflexion et un recul incroyable.

Il est à la tête de l’IMMF, l’association internationale des managers. Il a créé la FAC (Featured Artist Coalition), qui milite pour que les artistes aient désormais les moyens de se faire entendre et puissent faire connaître leur attentes et revendications. L’idée est aussi d’informer les artistes sur la filière, de leur donner des clés pour comprendre le business..(NDLR: Un des objectifs de notre RDV est de développer la FAC en France).

Il a aussi créé plusieurs labels et gère sa propre entreprise de management, ATC Management.

Et puis cet homme est simple. Il répond à ses emails dans la journée. Il vous fait votre café. Il n’a pas d’assistante. Il porte un costume (!). Et il ne supporte pas qu’on le mette sur un piedestal. Et pour tous ceux d’entre nous qui travaillons dans cette industrie dans laquelle certains chefs de produits se prennent pour des rockstars et où il est devenu quasi mission impossible d’avoir des réponses à des emails, et bien ça fait quand même un choc…

Bref, il ne se contente pas de théories fumeuses pour réussir, ou ne s’accroche pas à un buzz. Il agit. Et parle peu.

Je n’ai pas vu Brian Message pour une interview mais pour une vraie discussion boulot. En effet, oserais-je le rappeler, mon site n’est pas une fin une soi. Je l’anime et m’implique bénévolement mais j’ai une agence à côté. Mais comme j’essaie de donner un maximum d’infos sur le business de la musique, j’ai trouvé interessant de vous rapporter les échanges que nous avons pu avoir.

Brian Message me disait qu’il n’avait décidé de parler que depuis deux ans. De monter au créneau pour expliquer que l’artistique n’est pas incompatible avec le commercial. Qu’il existe d’autres alternatives…

Le management ?

Je pense qu’il est vraiment important de comprendre qu’il y a une direction artistique, l’artiste, et une direction commerciale, le manager (NDRL : Seb Farran , manager de NTM a la même vision des choses).

On a cette espèce de vision romantique selon laquelle « l’œuvre » arrive aux oreilles du public par magie, que les gens vont l’aimer et l’acheter par magie. Mais non, cela ne se passe pas comme ça.

Mon job est de créer pour l’artiste des canaux de revenus sur le long terme. Je n’interviens pas sur l’œuvre, mais je m’occupe de sa diffusion et sa monétisation. Je fais des business plans. Je recherche tous les moyens de diffusion et de monétisation de l’œuvre.

Vu le marché, on signe de moins en moins de contrat disques. Par contre, on peut de plus en plus se pencher vers la diffusion de la musique des artistes vers les fans. La seule problématique de l’artiste doit donc être de se demander comment entretenir cette relation.  Nous ne sommes que des intermédiaires entre l’artiste et le fan.



Les maisons de disques ?

Le métier des maisons de disques est d’investir de l’argent pour développer des artistes.

Les maisons de disques sont une excellente option pour certains types d’artistes. Elles permettent de breaker. Mais elles ne sont pas adaptées à tous les artistes.

Il faut donc vraiment se poser la question, avant de signer en maisons de disques, si cette option est la meilleure. Certains artistes se fichent de savoir s’ils vont passer en radio. D’autres ont de telles personnalités que signer en maisons de disques les obligeraient à rentrer dans un moule. Enfin, d’autres sont d’abord des groupes de scène.

Toutes les options sont ouvertes. Il faut savoir pourquoi on est fait, et ce qu’on veut.

Mais il ne faut pas chercher la solution miracle dans une signature de contrat. La maison de disque est une solution, mais elle n’est plus l’unique solution.

Par contre, il faut aussi être conscient que cela demande du travail. C’est pour cela qu’un métier comme le tien est primordial (NDLR : et là, je rougis…).

Les maisons de disques ont d’énormes changements à anticiper. Le business model est à revoir, les artistes s’émancipent de plus en plus. J’espère vraiment qu’elles arriveront à se remettre en question.


Les artistes ?


Les artistes sont des artistes. On ne leur demande pas de savoir gérer leur business. Mais il faut aussi comprendre que l’industrie a évolué, qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible, et qu’il est de leur responsabilité de comprendre ces changements. Un artiste se doit maintenant d’être responsable, et notamment de sa relation avec ses fans.

Je crois donc fermement qu’il faut impliquer les artistes dans les réflexions et décisions sur comment impliquer les fans.

Et la plupart des artistes sont ultra créatifs sur le sujet. C’est leur vie, leur passion, leur public. Il faut donc les associer, les impliquer. On ne peut pas décider pour les artistes.



L’expérience Radiohead

Je le dis souvent, mais ce qu’a fait Radiohead s’applique à Radiohead. On l’a fait parce qu’on avait la possibilité de le faire. Maintenant, cela a montré aussi qu’on peut sortir un album de manière différente.

On peut par exemple ne sortir que des singles pour ensuite lancer l’album, donner sa musique pour monétiser sur les merch et concerts, sortir son album et l’album remixés par les fans. Bref, il y a des tas de manières différentes de le faire. Il faut par contre avoir le courage de remettre en question le système actuel,  d’être ultra créatif et de prendre des risques. Mais quoi qu’il en soit, toute l’industrie de la musique est une prise de risque à elle toute seule…

La musique gratuite a une valeur ! (NDLR: C’est aussi l’expérience de Mister Valaire, qui en donnant gagne de l’argent).

Le gratuit amène au payant. Il faut donner l’envie, apporter une facilité à l’accès de la musique. Et ne pas se focaliser sur la vente de la musique, mais sur d’autres sources de revenus (produits, tickets, merch, livrets, bonus, etc…)….

Illustration photo:
Crédit @James Bolton avec son aimable autorisation
” We want more”

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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