Des concerts au casque en appartement dans un placard

Romain Lange, co-fondateur de Cibul, site s’interessant aux événements et leurs organisateurs, s’est interessé au Concert au casque en appartement dans un placard. Je vous assure, ça existe bien.

Erik Minkkinen a développé depuis 1998 le concept de concert au casque, aujourd’hui repris de la Laponie aux Philippines, et fédère autour du site leplacard.org les amoureux de musique expérimentale, de streaming et de canaux IRC. Rencontré à la Générale à Sèvres lors du Placard Headphone Festival, voici un petit échange de questions-réponses quelque part au milieu des 30h 30min 30sec dudit festival.

Pourquoi des concerts au casque?

Les concerts au casque permettent une écoute concentrée et partagée. On a tendance à penser qu’un casque c’est individualiste, comme quand tu as ton iPod dans le métro: tu plonges à l’intérieur d’un monde. Ici il s’agit plutôt de partager ça entre plusieurs personnes, avec du live qui crée un partage entre le musicien et l’auditeur mis au même niveau.

Quelle est l’histoire du placard?

A l’époque, en septembre 1998, j’avais une chambre de bonne à Belleville et je me suis décidé à en faire une salle de concert. Mais pour lancer l’idée de faire une salle de concert dans une chambre de bonne, il fallait que ce soit au casque forcément.

Je me suis dit que ça pouvait être un peep show de travail où les musiciens viennent travailler et où les gens viennent les écouter.

Il faut remettre ça dans le contexte où l’on commençait tous à utiliser les ordinateurs, il n’y avait plus besoin de studio pour faire du bruit et nous pouvions très bien travailler à la maison au casque sur les sons qu’on voulait faire. Sauf que nous manquions d’un mini-auditoire, de ce moment de travail qui est entre la composition solitaire et le concert.

Au début c’était vraiment juste une idée. J’ai appelé des personnes dont je me sentais proche musicalement et nous avons rempli des tranches de 4h chacun.
Puis nous l’avons refait au festival PHONOTACTIC à Vienne, là où se produisait à l’époque beaucoup de musiciens de “l’univers ordinateur” comme Mego, Farmers Manual, Peter Rehberg.

Tous ces gens là sont venus jouer dans un appartement à Vienne, où l’on a commencé à mettre tout cela en ligne pour que les gens puissent écouter à partir de Paris.

C’est à partir de Phonotactic qu’on a mis en place le système d’inscription libre et donc de programmation libre.  Si un artiste est au courant, qu’il a envie de jouer et que ça l’intéresse de jouer au casque, c’est bon pour moi. Par contre, je veux que ça reste du live donc je refuse que l’on passe un disque pour en faire la promotion. Généralement le public est composé surtout d’autres musiciens qui viennent jouer, mis à part quelques rares auditeurs et c’est pareil en ligne.

21 placards sont prévus en 2010, de Paris à Séoul en passant par Bucarest et Zurich, comment à évoluer l’idée des placards?

Le troisième festival s’est fait entre Paris, Lisbonne et Bruxelles. Le Placard 5 a duré 72h, dans trois pièces, dont une qui recevait des concerts joués à Tokyo. Mais 72h est une petite période. A partir du Placard 6 j’ai ouvert pendant 3 mois. N’importe qui pouvait s’inscrire dans n’importe quelle ville et ouvrir son placard, on n’était pas forcément en même temps en train de faire un placard. Dés le Placard 6, on a quasiment rempli trois mois avec juste une pause du mardi midi au mercredi midi.
Ca a continué parce que je suis musicien, je tourne et j’en parle. Le bouche à oreille a permis un engouement.

Il y aurait même un mini-placard au nord de la Suède?

Oui, ce sont une dizaine de personnes qui se retrouvent dans un placard, écoutent, jouent et streament. Ils savent très bien être là sans être là.

Pour moi c’est presque de la télétransportation d’être dans la pièce, de voir le chat’ IRC projeté sur le mur où les gens discutent et d’écouter un même set, ça donne l’impression d’être au même endroit.

Dans la scène expérimentale, les musiciens sont-ils très sensibles au débat sur la Hadopi

Oui, mais dans le sens contraire de ce qui est dit habituellement: Pour nous les outils de diffusion Peer-to-Peer, c’est de ça qu’on vit, c’est comme ça que nous trouvons notre public.

Ensuite la production de CD et vyniles est notre source de revenu. Nous pouvons fabriquer 500 exemplaires que nous vendons à notre public. Si les industries produisent 500 000 exemplaires d’un même album, elles prennent un risque dont elles sont responsables. Pour nous le Peer-to-Peer est un outil de communication très important et je ne vois pas pourquoi je deviendrais hors la loi pour une industrie de masse que je ne cautionne pas.

Comment vends-tu tes disques?

Dans les concerts et quand on tourne on en vend aux magasins spécialisés, sinon par la vente en ligne. Au final ça part vite.

Illustration photo: Erik Minkkinen et David Lemoine au Centre Pompidou, par Corentin Vercoustre.

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

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