“C’est quoi un manager?” par Gildas Lefeuvre

Très grande joie que de recevoir Gildas Lefeuvre, le parrain de ce site.


Pionnier, observateur privilégié de l’industrie musicale depuis une vingtaine d’années, Gildas Lefeuvre a collaboré comme journaliste spécialisé à diverses publications destinées aux professionnels du secteur; dont Midem News, Notes (le magazine de la Sacem),La Lettre du Disque et Musique Info Hebdo dont il fut directeur de la rédaction de 2001 à 2006. Fondateur de l’Observatoire du Disque et de l’Industrie Musicale en1995, auteur de plusieurs ouvrages et études, consultant, conférencier, intervenantrégulier des manifestations et débats de la filière musicale, il édite la newsletter GLConnection adressée à plus de 5000 professionnels, ainsi que plusieurs blogs. Se définissant comme « accélérateur », il se consacre aujourd’hui à des activités deformation, de conseil, de management et de coaching d’artistes.

Gildas a donc accepté de répondre à quelques questions sur le management de Côte d’Ivoire, où il était invité pendant plusieurs semaines à former et évangéliser sur la profession de manager.

– C’est quoi un manager?

C’est la personne qui représente et défend les intérêts de l’artiste. Il est son intermédiaire professionnel avec les différents acteurs de l’industrie musicale. Son rôle est finalement très large : conseiller l’artiste, l’aider à gérer et développer sa carrière, protéger et défendre en toutes circonstances ses intérêts artistiques, moraux et financiers, rechercher et négocier les contrats, etc. Son périmètre d’action est sensé couvrir tous les aspects de l’activité de l’artiste : disque, scène, numérique, produits dérivés, merchandising, synchros, etc. On peut considérer que l’artiste (et ses activités) devient à un moment une entreprise, dont le manager est le directeur.

C’est un rôle très polyvalent. Le manager est à la fois le coach, le conseiller et le coordinateur de l’artiste. En tout cas, c’est le partenaire privilégié de l’artiste, celui qui lui est le plus proche. Ce qui implique une relation de parfaite confiance entre les deux parties. Le manager est le pilote de l’avion. Sa mission est d’amener l’artiste à destination et dans les meilleures conditions possibles. Ce qui nécessite de savoir piloter, d’avoir un plan de vol, de maitriser les commandes et les tableaux de bord.

– Est-ce qu’un manager est primordial à la réussite d’un artiste? Un artiste ne peut il pas vivre sans manager?

Certains artistes n’ont pas de manager et réussissent parfaitement leur carrière. Tout simplement parce que, par chance ou opportunité, ils ont bénéficié rapidement d’un entourage professionnel idéal (éditeur, producteur, tourneur, distributeur). Mais beaucoup d’artistes n’en ont pas. Si l’artiste n’a pas de manager, il n’a d’autre choix, dans un premier temps, que de tout faire lui-même. Mais le « Do it yourself » ou l’auto-organisation a ses limites. Même avec la meilleure volonté, l’énergie et la disponibilité, l’artiste seul ne peut pas tout faire et n’a pas toutes les compétences. Et il lui reste alors peu de temps pour son métier d’artiste. La présence d’un manager le décharge de tous les autres aspects pour qu’il concentre sur son cœur de métier.

– Est-ce au manager de donner son avis sur la direction artistique de l’artiste?

Il ne s’agit pas de « fabriquer » l’artiste. Mais à partir du moment où le manager doit gérer le développement d’un artiste et la gestion de sa carrière, il doit en gérer tous les aspects : image, positionnement, univers et est amené, bien évidemment, à donner son avis sur la direction artistique. S’il s’agit d’un interprète en début de parcours, le manager interviendra dans le choix des titres, la constitution du répertoire, voire la création même.

– On entend beaucoup dire que l’éditeur est certainement devenu plus important maintenant dans le développement de l’artiste que le manager, qu’en penses-tu?

Je ne crois pas. Le rôle de l’éditeur est très important mais celui du manager aussi. D’autant que le champ d’action du manager dépasse largement le cadre de l’exploitation des œuvres. Ces deux métiers cumulent en tous cas deux atouts : la vision sur la durée, et la vision à 360 degrés. On remarquera que de plus en plus de managers sont amenés à devenir éditeurs de leurs artistes. En revanche, je connais peu d’éditeurs qui se mettent au management. On peut d’ailleurs considérer que l’éditeur est en quelque sorte le manager de l’œuvre (et non pas de l’artiste).

– Quand as tu compris que le digital changerait fondamentalement l’industrie?

Il y a longtemps. Dès qu’Internet a fait ses débuts, j’ai pressenti ses potentialités. En mai 1995, j’ai relayé une info dans « La lettre du disque », selon laquelle Hewlett Packard, le fabricant d’ordinateur, s’apprêtait à lancer un appareil permettant de graver des CD dans un but de stockage informatique, pour remplacer les disquettes, cartouches Syquest et autres supports de stockage. Il était évident qu’une fois commercialisé, cet équipement permettait de graver des fichiers audio et vidéo. Personne, dans la filière musicale, n’a réagi. J’ai assisté, en tant qu’observateur, à toutes les mutations qui se sont succédées depuis. Je constate que cette industrie manque cruellement d’anticipation et de prospective. Elle s’est campée sur ses recettes de fonctionnement, persuadée qu’elles étaient immuables, au lieu de réagir et de se préparer à ce qui allait suivre. On a commencé à parler de pédagogie il y a quelques années alors qu’on aurait dû s’y mettre il y a 15 ans.

– Comment envisages-tu l’avenir pour l’industrie du disque?

Je préfère parler d’industrie musicale plutôt que d’industrie du disque (on devrait d’ailleurs utiliser plutôt le terme « musique enregistrée »). Je pense que le paysage va se transformer radicalement.

Il faut évidemment tenir compte de la nouvelle donne. Mais sans renier pour autant les fondamentaux du music business et du développement d’artistes. Seule la prise en compte des deux aspects permet d’entrevoir un avenir prometteur. Je l’ai exprimé récemment dans un scénario contribuer au colloque « Muzik 2025 ; quel avenir pour la musique ? » dans le cadre du MaMA, On peut envisager à cet horizon des évolutions intéressantes, si toutefois on a la véritable volonté de changer les choses. Ce qui passera par des évolutions inéluctables, comme la gestion collective de la musique en ligne, la transparence des revenus numériques et un nouveau partage du gâteau. Dans le contexte d’aujourd’hui, il faut être créatif et pro-actif pour survivre.

– Que conseillerais-tu à un artiste qui veut se lancer ?

Bien savoir ce qu’il veut faire. S’il se sent la force de s’organiser seul, tant mieux, mais cela devient vite chronophage. Il faut surtout savoir s’entourer. L’idéal reste quand même, dans la phase d’émergence, de trouver un manager ou du moins une personne à ses côtés qui pilote l’avion. Un artiste ne peut se développer tout seul. Les succès sont des succès d’équipe.

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

3 comments

“…le management de Côte d’Ivoire” !?
C’est Gildas Lefeuvre qui a remporté les dernières élections à Abidjan?

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