Mais comment donc qu’on doit faire pour utiliser le titre d’un groupe, légalement?

Et bien, c’est quand même super compliqué.


Je me contente simplement ici de poster un échange d’emails ayant eu lieu entre Celina Barahona, spécialiste en digital content, community manager de Girlznweb et artiste talentueuse, et un éditeur, qui était tombé sur la vidéo de mon interview par Girlznweb.

S’ensuit un échange kafkaien.

Il ne s’agit en aucun cas dans cet article de critiquer la position de cet éditeur, qui défend l’artiste et ses droits, mais plutôt de pointer la difficulté, pour quelqu’un qui veut faire les choses bien et légalement, mais qui n’est pas au fait des us et procédures, de les faire, les choses légalement….

Donc ça commence par là:

” Je me permets de vous écrire car j’ai regardé l’interview de Virginie Berger, et il s’avère que vous utilisez un titre de xxxx sur la video (…).

Nous représentons les droits des auteurs compositeurs des œuvres du groupe xxxx, et je n’ai pas reçu de demande pour l’utilisation de cette œuvre notamment dans cette video. (..)”

La réponse de Célina:

“#1 Tout d’abord, j’ai acquis ce titre via un téléchargement totalement légal sur la plateforme itunes. Je peux vous faire parvenir la e-facture si il vaut pour le prouver.

#2 Le titre est très très très peu audible derrière l’interview, essentiellement les 5 premières secondes, et il semble que la sacem soit très souple jusqu’à 90 secondes.

#3 Si j’avais su où trouver une procédure simple pour demander l’autorisation je l’aurais fait. Seulement il se trouve que:

1/ c’est impossible pour un éditeur de contenus lambda de savoir comment s’y prendre. La solution “officielle” et “clean” étant incompréhensible et introuvable, il ne faut pas s’étonner que les gens optent pour une solution plus “simple” et donc malheureusement moins “officielle”.

et 2/ si on appelle la Sacem on peut attendre des semaines et la réponse sera qu’il faut payer – sachant qu’il n’y a pas eu d’utilisation commerciale, que je ne suis absolument pas rémunérée, Girlz in web étant un collectif de bénévoles sans argent.

Pour finir : j’ai indiqué les crédits musique en fin de vidéo, un juriste m’avait fait savoir que cela suffisait.

Je suis extrêmement preneuse d’une procédure SIMPLE pour pouvoir facilement utiliser du son téléchargé légalement dans une vidéo à but non lucratif, même si il faut payer un tout petit peu. Mais faciliter cette procédure pour les petits éditeurs de contenus en ligne serait un grand pas vraiment constructif dans les débats qui agitent les acteurs de l’industrie musicale je pense”

Puis la réponse de l’éditeur:

“Pour répondre à vos remarques, en effet un titre même acheté en toute légalité, ne peut être synchronisé en association avec des images quelles qu’elles soient et qu’elle que soit l’exploitation des images ensuite sans l’autorisation préalable des ayants droit (les détenteurs du copyright et du phonogramme). Il s’agit du droit de synchronisation.

Même si vous le qualifiez de « très peu audible », j’ai tout de suite identifié ce titre. Il s’avère que la SACEM n’est pas mandatée par les éditeurs pour le droit de synchronisation, ce droit étant géré de manière individuelle par chaque éditeur.

De plus il n’existe pas de limite maximum de durée d’utilisation en dessous de laquelle on peut utiliser librement une œuvre en synchronisation avec des images ; même si l’œuvre est utilisée 2 ou 3 secondes, il faut obtenir l’accord préalable de l’éditeur et du détenteur des droits phonographiques. La seule exception qu’on peut noter, grâce à laquelle on peut reproduire de la musique jusqu’à 90 secondes, entre dans le cadre de ce qu’on appelle le droit de citation ou d’information, qui dans le cas d’une promotion sur le groupe et/ou de ses œuvres, on utilise un extrait de leur musique en citant donc les noms des auteur/compositeur/éditeur, mais ce n’est pas le cas de votre video puisqu’il ne s’agit en aucun cas d’une promotion ou d’une émission sur le groupe xxxx. L’utilisation d’une œuvre en dehors du contexte dans lequel elle a été initialement créée doit systématiquement être soumise à l’accord préalable des ayants droit.

La procédure de demande d’autorisation est très simple : il faut contacter le ou les éditeurs du titre, et le propriétaire du phonogramme (le label) pour demander l’autorisation d’utiliser une œuvre en synchronisation avec des images. Ensuite l’autorisation vous est accordée ou non, et cela même si la video n’est pas vouée à une utilisation commerciale (je traite des demandes très régulièrement pour des courts métrages uniquement destinés à des festivals, par exemple, et donc exploités hors secteur commercial) et à certaines conditions.

Pour savoir comment s’y prendre il suffit de contacter l’éditeur ou le label et lui demander, ou alors la SACEM doit être à même de vous renseigner sur ces questions, bien que la SACEM ne soit pas habilitée à vous donner d’accord pour le compte de l’éditeur dans le cas d’une synchronisation. Par conséquent il peut y avoir un délai de réponse (le temps de contacter les ayants droit) mais qui ne risque pas de durer des semaines, d’autant plus si vous signalez à l’éditeur et au label le caractère urgent de votre demande pour qu’elle soit traitée rapidement. A ce sujet, en tant qu’éditeur indépendant, nous nous efforçons justement de raccourcir ces délais au maximum pour faciliter les processus (on peut obtenir des réponses en moins d’une semaine) et inciter de ce fait les éditeurs de contenus à respecter le droit moral des auteurs/compositeurs.

A fortiori toute autorisation est soumise au règlement d’un montant forfaitaire et limitée à un cadre d’exploitation précis (media, durée d’utilisation de la musique dans la video, terme prévu de la diffusion de la video, territoires d’exploitations consentis). Néanmoins, dans le cas d’exploitations limitées et hors cadre commercial comme c’est votre cas, le montant de la licence peut être extrêmement raisonnable, sous réserve de l’accord préalable des ayants droit.

Votre juriste a tort de penser qu’inscrire les crédits suffit puisque les ayants droit n’ont pas validé l’exploitation de leur œuvre dans cette video, par contre, elle est souvent une condition déterminante de leur accord, une fois ce dernier obtenu.

Je ne vous demande pas de retirer la video, pour l’instant, mais je vous explique comment procéder afin que nous sollicitions l’accord des ayants droit dans ce cas précis et pour qu’à l’avenir vous ayez toutes les clés en main pour utiliser paisiblement des musiques sur les videos que vous éditerez.

Pour finir sur la procédure, nous avons un formulaire en ligne pour les œuvres de nos répertoires, que vous pouvez remplir et à réception nous vous remettons une estimation budgétaire que nous soumettons ensuite à validation aux ayants droit”

Et la conclusion par Celina..

Alors j’ai testé pour vous de me mettre dans la peau d’un éditeur lambda, public somme toute assez néophyte quant aux question d’éditeurs tout ça, ce qui est mon cas, afin que vous puissiez comprendre un peu la complexité de la démarche de recherche quand on n’est PAS une société audiovisuelle et qu’on ne produit a priori pas du contenu dans un contexte commercial, ni business :
#1 Je vais sur le myspace du groupe pour connaitre l’institution à contacter (dans ma tête de grand public, je dirais “maison de disques”, je n’y connais rien). Ce qui me semble le plus évident pour trouver de l’info. Là je vois “label” = XXX Records. Qui suis-je moi, pauvre public internaute pour connaitre la différence entre label, éditeur graphique, producteur, distributeur et éditeur phonographique ? Compliqué déjà. Donc je regarde ensuite sur iTunes, là où j’ai acheté le titre, et là je vois “XX Records”… Oula, encore moins avancée.

#2 Je fais donc une recherche sur XXX Records en France. Et a priori je tombe sur XX Music, que j’appelle et qui ne peut pas trop m’aider a priori, personne pour me répondre. Tous très occupés. Je checke sur leur site internet, et là oh surprise : le groupe xxxx apparaît nulle part ….

#3 J’appelle donc la Sacem, qui, un peu dans le même ordre d’idée, comprend pas trop ma question me renvoie vers l’éditeur (quand ils ont l’amabilité de bien vouloir me répondre), sans trop me dire qui c’est a priori.
Après ces 3 étapes, je ne suis donc toujours pas plus avancée. Il s’est passé près d’une demi journée. Je fais tout ça pour un réseau de professionnels du web, sans être rémunérée pour cela … Dur dur …
Donc, ma question est : comment puis je accéder à une procdéure simplifiée ne serait ce que pour savoir “qui contacter” et dans quels cas”?

Maintenant que j’ai votre procédure, et je vous en remercie, ce sera plus simple pour les titres et artistes de votre catalogue, mais pour les autres? Compliqué quand même quand on n’est pas un pro de l’audiovisuel ou de la musique et que (comme des millions de personnes tous les jours sur le WEB) on veut partager rapidement et facilement des contenus sans déraper sur de l’illégal..”

A ce jour, nous ne sommes toujours pas plus avancés sur le règlement de ce souci de 3 secondes….

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About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

6 comments

Drôle de parcours du combattant pour qui veut utiliser de la musique commerciale en synchro sur des vidéos amateur, en effet. Il existe cependant une solution plus simple, qui consiste à faire appel à une “librairie musicale” (collections de musiques déjà enregistrées, le plus souvent éditées sur des CDs thématiques, et destinées aux professionnels de l’audiovisuel et des médias, pour sonoriser des longs-métrages, documentaires, publicités, bonus DVD, sites internet, films institutionnels, etc.). Plus d’infos sur le site de l’Union des librairies musicales (http://www.aprim.info/). Bien sûr, le préalable est de renoncer à illustrer sa vidéo avec le dernier tube de Lady Gaga ou tout autre titre de musique du commerce. Plusieurs intérêts : un interlocuteur unique, des tarifs abordables et déjà fixés, une négociation très rapide et un très large choix de musiques d’illustration dans tous les styles, auxquelles ont peut en général accéder sur le site des producteurs.

pour une telle synchro, un producteur et éditeur d’illustration musicale appliquera un forfait (souvent annuel et renouvelable)… mais pour connaitre le montant, il faudra le contacter directement (contrairement aux autres exploitations : docu, pub, film institutionnel…) et… cerise sur le gateau… tu devras également déclarer les oeuvres utilisées auprès du SESAM … En fait, une librairie musicale délivre une autorisation pour l’utilisation de l’oeuvre en synchro, pour l’enregistrement utilisé et te garantit, par exemple, qu’un compositeur ne te volera pas dans les plumes (droit moral…) pour ladite utilisation… mais cela ne te dispensera pas d’effectuer déclaration/paiement pour ton site sonorisé… SESAM te proposera sans doute un autre forfait…

Merci beaucoup pour cette article et ses recherches! Je prévois de faire un site ou je souhaiterais publier des vidéos réaliser de mon voyage et biensur utiliser des musiques que j’aime! Souvent commerciales biensur! Honnêtement je comprends les droits d’auteurs et c’est tout a fait normal. Ce que je ne comprends pas c’est que nous réalisons des vidéos à but non lucratif, avec des musiques commerciales que l’on a payé et dans un sens on leur fait de la pub. Donc il y a de grande chance que cela donne envie à des personnes d’acheter le titre, qui par ailleurs a déjà du ramener des millions aux auteurs. Je ne remet pas en cause le droit d’auteur mais quand j’achète un vêtement (qui est une création), je peux le filmer et publier la vidéo sur le net, sa pose de problème à personne (au contraire). Par contre un musique que j’ai acheter, je ne peux pas l’utiliser sans risquer d’être dans l’illégalité alors que je l’ai déjà payée. Nous sommes des personnes lambda et de plus en plus de personne lambda désire publier des vidéos sur le net, juste pour le plaisir. Donc je pense que si les éditeurs ou autres veulent encore nous taxé ( et pas qu’un peu) sur un produit déjà acheté, le minimum est indiqué la procédure d’utilisation a l’achat du bien. Car pour n’importe quelle personne qui ne travail pas dans cette industrie, c’est a dire plus de la moitié de la population, c’est un sujet et une information qu’ils ne possèdent pas… J’espère réellement que votre article, très bien construit, influencera ces éditeurs et autres a informer la population d’une procédure claire, net et précise.

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