Les maisons de disques n’ont pas inventé le disque?

mission schwartz

En écoutant Pascal Nègre dans l’émission “Petit stream entre amis“, une phrase dans cette vidéo m’a interpellé :


"Le consommateur veut un truc simple"
envoyé par Europe1fr. – L’actualité du moment en vidéo.

“Les maisons de disques n’ont pas inventé le vinyl. On n’a pas inventé la cassette. On n’a pas inventé le CD. On n’est pas la Fnac.”

Arrêt sur image et petit rappel historique : Philips, qui a inventé la cassette et le CD, a créé PolyGram en 1971, qui est devenu Universal Music en 1998.

Continuons:

“Tout à coup, on a eu besoin d’avoir des plateformes. On a essayé d’en créer, ça a été des bides absolus. En 2001…… [David Abiker :  Vous étiez trop petit, pas assez puissant  ?]  Pas assez puissant.”

Deuxième rappel historique : En 2000, Vivendi rachète Universal, devenant ainsi Vivendi Universal, le plus grand groupe mondial de communication et de divertissement. Trop  petit et pas assez puissant ?

Mais passons sur ces petites errances historiques. Ce que dit Pascal Nègre est intéressant, il explique l’incapacité, aujourd’hui, des maisons de disques à créer une stratégie globale sur la distribution de son contenu.

De quoi parle-t-il quand il dit “en 2001… ” ?

En mai 2001, Vivendi rachète MP3.com. Jean-Marie Messier explique alors :

” L’acquisition de MP3.com représente un grand pas en avant pour Vivendi Universal, dont la priorité est de développer et de mettre en oeuvre une offre de nos contenus qui soit dynamique, légitime et attractive pour les consommateurs. MP3.com représente un grand atout pour Vivendi Universal, dont l’objectif est de devenir le principal fournisseur de services de musique en ligne.”

Surprenant non ? Bien avant iTunes, le patron de Vivendi Universal avait l’ambition de devenir le principal fournisseur de services de musique en ligne. Malheureusement, Jean-Marie Messier quittera Vivendi Universal en 2002 et MP3.com sera vendu en 2003.

Je travaillais à l’époque chez Vivendi et contrairement à ce que dit Pascal Nègre, qui explique que le site a été un bide car il n’existait pas d’écosystème pour fonctionner, le problème venait plutôt d’une politique interne de l’entreprise avec des dirigeants incapables de réaliser les ambitions de Jean-Marie Messier. Nous étions encore très loin de l’entreprise dynamique et innovante à la Google.

En enterrant ce projet, Vivendi Universal a laissé la voie libre à Apple pour imposer iTunes et devenir le leader de la distribution numérique. Cela marque aussi la fin des velléités d’Universal à vouloir distribuer son propre contenu. Les maisons de disques se sont repliées sur elles mêmes, abandonnant le terrain du numérique, laissant aux autres le soin d’innover.

Nous avons aujourd’hui un rapport de force avec d’un coté les majors qui fabriquent la musique et en régulent son utilisation et de l’autre les grands groupes (Apple, Google, Orange, …) qui détiennent les supports de la musique et qui ont comme politique de ne pas produire de contenu. Chacune des parties étant tributaires de l’autre. Cela donne des situations aussi absurdes que “le débarquement des Beatles sur iTunes”.

En arrêtant de chercher de nouveaux supports ou moyens de diffuser sa musique, les majors ont laissé le champs libre aux grands groupes pour prendre le contrôle sur les nouvelles façons dont nous consommerons la musique demain. Ce phénomène sera accentué par le refus des maisons de disques de créer une gestion collective qui permettrait à des plus petits acteurs d’inventer de nouveaux modèles sans avoir à supporter un coût d’accès à la musique impossible.

Si un jour Orange décide de suivre l’exemple de Philips et d’éditer et produire sa propre musique qu’elle diffusera sur Deezer, la donne changera. Comme le dit Pascal Nègre “les maisons de disques n’ont pas inventé le disque” mais il est fort à parier que d’ici quelques années, les services d’accès aux tuyaux créeront des tubes.

Illustration photo “We want more”

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About Benoit Tersiguel

Benoit Tersiguel travaille dans le secteur du web depuis plus de 10 ans. Il créé Radio.blog.club en 2005, le premier site de streaming musical en France. Depuis la fermeture de Radio.blog.club en 2008, il accompagne les artistes pour la promotion et la distribution numérique de leurs oeuvres.

5 comments

Eh bien je trouve que Nègre devrait sortir plus souvent de son bureau pour parler publiquement car il fait plutôt bien et est assez convaincant.

Ce qu’il dit sur Apple et les Beatles est très vraiment. C’est étonnant de voir une comm pareille sur un non évènement qui arrive plus d’un an après la réédition catalogue.

Par contre je modérerais ton analyse sur la stratégie numérique. Ce qui s’est passé entre 2000 et 2003 chez les maisons de disques étaient une tentative d’appropriation du marché et de contrôle des quelques téléchargements qui se faisant. A l’époque, rien d’important à ce qu’on disait. Le problème, c’est qu’au lieu de continuer à) investir, les majors ont lâché le système pour continuer avec les supports traditionnels, sur les médias traditionnels avec des distributeurs traditionnels (ou pourrait parler des nombreuses affaires majors ayant refusé que leur catalogue soit en ligne sur tel ou tel site de streaming legal). Pour moi le problème ne se situe pas tellement dans le fait qu’ils ont revendu MP3.com ou abandonné leurs plateformes de téléchargements possible. Comme le dit Nègre, ils ne sont pas la FNAC (ni Itunes). Ce qui est plus choquant c’est la position face au téléchargement, où ils préfèrent légiférer durement (en apparence en tout cas) plutôt que de proposer de vrais stratégies numériques. Les vraies stratégies numériques des majors (hors ventes sur Itunes et communiqué de presse sur les blogs et clips sur YouTube) c’est finalement assez récent. Probablement la suite de la chute des autres supports.

Orange ne produit pas de contenus?
Alors précisons, de contenus musicaux, parce qu’il existe une “filiale de coproduction et d’acquisition” cinématographique d’Orange:
http://www.studio37-orange.com/
Pour Orange, ne pas produire de contenus semble donc cantonné à la musique… Plus qu’une politique de “non production de contenus”, on a l’impression qu’ils ont compris que la poule aux œufs d’or discographique est noyée dans trop d’échecs pour prendre le risque.
Et le cinéma reste plus difficilement piratable que la musique (il suffit de voir que tous les albums leakent avant leur sortie, contrairement aux films, qui sont le plus souvent diffusés sous forme de “cams” irregardables).

“En enterrant ce projet, Vivendi Universal a laissé la voie libre à Apple…”

Et si c’était voulu?
Et si c’était pour Vivendi, la meilleure manière de vendre Universal à … Apple?
Et si c’était en train de se passer en ce moment ?

Tout reprendrait son sens 🙂

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